LE TRANSPORT « LONGUE DURÉE » DE BOVINS VIVANTS : LES INCOHÉRENCES DE LA RÈGLEMENTATION EUROPÉENNE RÉGULIÈREMENT POINTÉES DU DOIGT PAR COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE

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 (arrêts du 23 avril 2015, Zuchtvieh-Export, C‑424/13, EU:C:2015:259 et du 28 juillet 2016, Masterrind (C‑469/14, EU:C:2016:609)

 

Sophie Duthoit[1]

 

« Nul ne transporte ou ne fait transporter des animaux dans des conditions telles qu’ils risquent d’être blessés ou de subir des souffrances inutiles ». Ce postulat figurant à l’article 3 de l’actuel règlement (CE) n° 1/2005, relatif à la protection des animaux pendant le transport[2] (ci-après « le règlement 1/2005 »), est d’une parfaite clarté. Tel n’est malheureusement pas le cas du reste de ce même Règlement, et en particulier de son annexe première dont l’opacité a mené à un nombre important de questions posées au juge européen.

La législation sur le transport d’animaux vivants dans l’Union Européenne est ancienne et a connu de nombreuses évolutions. Elle se base notamment sur la Convention européenne sur la protection des animaux en transport international adoptée par le Conseil de l’Europe le 13 décembre 1968[3] et ratifiée par la plupart des Etats Membres de l’Union Européenne. Le règlement 1/2005, actuellement en vigueur, a remplacé la directive 91/628 relative à la protection des animaux en cours de transport[4], qui avait déjà, elle-même, été amendée par la directive 95/29[5]. Ces nombreux changements législatifs expliquent sans doute en partie les incohérences lexicales dont souffre actuellement le règlement 1/2005.

En quelques mots, l’actuelle règlementation requière, notamment, que les étapes du voyage et les routes empruntées soient prévues et approuvées à l’avance, par le biais d’un « carnet de route » (parfois appelé « Journal de Bord ») devant être validé par les autorités compétentes du lieu de départ. La règlementation prévoit également, dans ses annexes, des règles techniques, espèces par espèces, relatives, aux conditions minimales que doivent remplir les véhicules les transportant (devant être agréés), ainsi qu’aux temps de transport, de pause et aux intervalles d’abreuvement et de nourrissage des animaux. Un cadre juridique spécifique et renforcé est, par ailleurs, prévu pour les voyages dits de longue durée excédant 8 heures, ces derniers devant être limités autant que possible, selon ce texte. Ce cadre juridique renforcé est détaillé dans les annexes du règlement et fixe des règles selon les espèces d’animaux transportés. Pour les bovins, c’est la règle dite des « 14+1+14 » qui s’applique (ci-après « la règle 14+1+14 »). Cette règle, posée par le chapitre V, de l’annexe 1, du règlement 1/2005, prévoit qu’à l’issu d’une durée maximale de 14h de transport, un temps de pause d’ « au moins » 1h doit être effectuée, suivie de nouveau de 14h de transport avant une pause de 24 heures. Cette règle figurait déjà dans la directive 91/628 au chapitre VII de l’annexe.

Toutefois, la terminologie employée par cette règle est particulièrement nébuleuse et chaotique, ce qui a mené à de nombreuses questions préjudicielles.

Récemment, dans deux affaires, respectivement, du 23 avril 2015, Zuchtvieh-Export[6], C-424/13 et du 28 juillet 2016, Masterrind[7], C-469/14, la Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après « la Cour ») a été, une fois de plus, confrontée aux incohérences et à l’imprécision du règlement 1/2005 ainsi qu’à la difficile mise en pratique des règles qu’il édicte, surtout lorsque ces règles doivent être combinées avec d’autres règlements et en particulier le règlement n°817/2010, sur les restitutions à l’exportation de bovins[8] (ci-après « le règlement 817/2010 »). Dans ces deux affaires, plusieurs questions préjudicielles ont été posées à la Cour par le juge allemand, à savoir, la Cour administrative de Bavière (affaire C-424/13) et le Tribunal des finances de Hambourg (C-469/14). Le Tribunal des finances de Hambourg avait déjà été à l’origine de questions préjudicielles dans deux autres affaires étudiées par la Cour, alors que la directive 91/628/CEE (ci-après « la directive 91/628 »)[9], ayant précédé le règlement 1/2005, était encore en vigueur. Il s’agit des affaires jointes Viamex Agrar (C-37/06) et Zuchtvieh-Kontor (C-58/06) du 17 janvier 2008. Les faits étant très proches, tout comme les questions posées, il semblait pertinent de faire référence à ces deux affaires, bien qu’anciennes, dans notre étude. Toutefois, seules les affaires Masterrind et Zuchtvieh-Export feront l’objet d’une analyse détaillée. Par ailleurs, il sera intéressant de mentionner une autre affaire de 2008 impliquant également une question préjudicielle du juge allemand, l’affaire Interboves, C-277/06[10] souvent citée par les avocats généraux. Toutefois, cette affaire traitant d’un transport maritime de bovins répondant à des règles spécifiques, elle ne sera pas étudiée, bien que certains développements de la Cour retiendront notre attention.

 

Présentation des faits à l’origine des questions préjudicielles

 

Dans l’affaire Zuchtvieh-Export, C-424/13, le juge allemand est confronté à un transport par route d’un lot de 62 bovins vivants d’Allemagne à l’Ouzbékistan. L’autorité compétente du lieu de départ (Allemagne), a refusé de valider le départ au motif que le règlement 1/2005 et notamment les temps de repos et de déchargement des animaux qu’il impose dans le cadre de la règle 14+1+14 ne seront pas respectés, une fois les frontières extérieures de l’Union Européennes franchies, au regard des informations inscrites par l’exportateur dans le journal de bord. La Cour Administrative de Bavière s’interroge sur l’application extra territoriale de l’Article 14 du règlement 1/2005 sur les contrôles dans le cadre d’un voyage de longue durée (plus de huit heures), qui commence sur le territoire de l’Union européenne, mais se termine en dehors de celui-ci. Il pourrait être intéressant de noter que dans cette affaire, l’opinion de l’Avocat Général n’a pas été suivie par la Cour.

La seconde affaire, Masterrind, C-469/14, concerne un transport de 6 bovins reproducteurs vivants d’Allemagne vers le Maroc. Le transport est routier jusqu’au port français de Sète, puis maritime au-delà. Le Tribunal des finances de Hambourg cherche à savoir si c’est à juste titre ou non que le bureau des douanes de Hambourg ait exigé le remboursement des restitutions à l’exportation[11] avancées au transporteur, au motif que les exigences du règlement 1/2005 n’avaient pas été respectées quant aux temps maximaux de transport, selon le vétérinaire officiel français ayant effectué le contrôle de sortie de l’Union Européenne. Une des deux questions qui se posent dans cette affaire est celle de savoir de quelle manière interpréter la règle dite des « 14+1+14 » et, notamment le temps de pause « d’au moins une heure » qu’elle impose. Est notamment questionné la validité d’un temps de pause de 10 heures effectué sans décharger les animaux.

Les problématiques juridiques soulevées et les solutions apportées par la Cour à l’issu de ces affaires peuvent être présentées sous deux angles communs.

Tout d’abord ces affaires ont mis en exergue l’inconsistance de la terminologie employée dans le cadre de la règle 14+1+14, tant par la directive 91/628, que par le règlement 1/2005, ainsi que la mauvaise application des définitions associées. Dans un premier temps, les avocats généraux, et principalement l’avocat général Wahl dans l’affaire Masterrind, vont relever et soulever les contresens et non-sens des termes employés et de leurs définitions dans le cadre de la rédaction de la règle 14+1+14 et du texte du règlement (Première Partie).

En second lieu, face au constat qu’une analyse littérale du règlement et de ses annexes ne permet pas de dégager une solution, la Cour va faire preuve d’inventivité en se référant à l’objectif général du règlement, objectif qui fera l’objet de débats dans le cadre de sa définition. Par ailleurs, la Cour va être confrontée à la question fondamentale de l’application pratique des règles et de la faisabilité des solutions apportées. Ainsi, la Cour va tenter d’apporter une solution réaliste, tout en préservant l’objectif principal du règlement 1/2005 précédemment défini et va, de façon remarquable, s’attacher aux effets concrets en pratique de la réponse qu’elle va apporter aux questions préjudicielles. Ainsi, ces solutions viennent donner une nouvelle dimension aux règles européennes relatives au transport d’animaux vivants, allant jusqu’à apporter une dimension extérieure au règlement 1/2005 (Seconde Partie).

I.                   Le capharnaüm lexical de la règle 14+1+14 mis en avant par la Cour et ses avocats généraux

La plus grosse incohérence du règlement 1/2005 a été mise en avant par l’Avocat Général Nils Wahl dans ses conclusions relatives à l’affaire Masterrind [12]. Ce dernier n’hésite pas à employer des mots comme « opaques »[13], « incohérente et illogique »[14] ou encore de « manque de cohérence apparente »[15] pour qualifier les notions employées par ledit règlement et notamment par la règle 14+1+14. Par ailleurs, au temps de la directive 91/628, les termes de « regrettablement imprécise »[16] avaient déjà été employés pour qualifier cette règle.

L’incohérence principale se révèle quant à la diversité et à la complexité des termes employés dans la rédaction de la règle, dont la formulation contient de nombreux adverbes et modulateurs imprécis, employés maladroitement, mais lourds de conséquences (voir les mots soulignés ci-dessous). De plus, certains mots employés dans la rédaction de cette règle divergent des termes définis à l’Article 2 du même règlement.

Concrètement, la règle prévoit qu’après quatorze heures de « transport », les animaux doivent bénéficier d’un « temps de repos » « suffisant » « d’au moins » une heure, « notamment » pour être abreuvés et « si nécessaire » pour être alimentés. Une fois ce « temps de pause » effectué, le « transport » peut reprendre pour quatorze heure. A la fin du « voyage », une période de 24 heures de « temps de repos » doit être entreprise au cours de laquelle les animaux sont déchargés. Il est par ailleurs précisé que le « voyage » peut être prolongé de deux heures « dans l’intérêt des animaux », « compte tenu en particulier » de la « proximité » du « lieu de destination ».

Afin d’appliquer correctement la règle et en assurer l’uniformité, chacun des termes soulignés ci-dessus a été méticuleusement étudié par les avocats généraux, défini et expliqué dans son contexte. Toutefois, dans le cadre de cette étude, nous nous limiterons aux termes ayant le plus influencés l’issue des affaires Zuchtvieh-Export et Masterrind, à savoir les termes de « voyage » et « transport », ainsi que les notions de « repos » et ses variantes. En particulier, les questions de la durée du repos et de sa finalité seront analysées. Enfin nous nous intéresserons à la dérogation de l’Article 1.8 et ses deux heures supplémentaires de trajet en cas de proximité du lieu de destination.

·         Le « Voyage » et le « Transport »

Les termes de « voyage » et « transport » sont définis et employés de manière incohérente entre l’Article 2 du règlement 1/2005 et ses annexes, ce qui mène à s’interroger sur l’interprétation à faire de la règle 14+1+14. Cette interrogation, particulièrement développée par l’Avocat Général Wahl[17] dans l’affaire Masterrind, va également faire l’objet de débats dans l’affaire Zuchtvieh-Export.

Sous l’égide de la directive 91/628, ayant précédé le règlement 1/2005, la Cour a déjà eu l’occasion d’interpréter cette disposition en estimant que la durée du « voyage » pouvait excéder 28 heures entrecoupées d’une période de repos[18]. Toutefois, la directive 91/628 faisait logiquement une distinction entre le « transport » d’animaux et le « voyage ». L’une des deux notions couvrait toute l’opération, du chargement du premier animal au point de départ, au déchargement du dernier animal au point d’arrivée (le « voyage »)[19], alors que la seconde ne couvrait que le mouvement stricto sensu des animaux, par le biais d’un moyen de transport (« le transport »), mais incluait toutefois les temps de chargement et de déchargement des animaux[20]. Par conséquent, la Cour est venue uniquement interpréter la règle au regard du temps pendant lequel le camion, transportant les animaux, roule, et non au regard du temps de pause « d’au moins une heure ». La question de la durée du temps de pause n’avait donc pas été abordée.

Si la distinction entre les deux notions était déjà très subtile, la refonte de 2004 de la directive a créé désormais une confusion certaine. En effet, sous le règlement 1/2005, la distinction entre le « voyage » et le « transport » est maintenue, mais les périodes de déchargement, d’hébergement et de chargement sont désormais inclues dans la définition du « voyage »[21], alors que ces périodes sont déjà inclues (à l’exception de l’hébergement) dans la définition du « transport »[22]. La seule aide pour distinguer ces deux notions vient d’un autre terme de l’Article 2 dudit règlement, à savoir la définition du « lieu de départ »[23], comme étant le lieu où l’animal est chargé après avoir passé une période minimale de 48 heures[24]. L’on peut donc comprendre, comme souligné par l’avocat général Wahl[25], que le « voyage » est constitué de plusieurs périodes de « transport », dont chaque cycle de 14+1+14 est entrecoupé d’un « temps de repos » de 24 heures, et qu’il ne commence et ne prend fin qu’une fois que les animaux ont été déchargés et hébergés au moins 48 heures. Toutefois l’Avocat Général Wahl souligne dans l’affaire Masterrind la confusion existante entre ce temps de repos de 24 heures et celui de 48 heures. De plus, l’Annexe I, du règlement 1/2005, fixant les modalités techniques d’application des principes dudit règlement pour chaque espèce, vient d’autant plus semer le trouble en ce qu’elle emploie en son Chapitre V l’expression de « durée de voyage et de repos », comme si le « repos » n’était pas inclue dans la notion de « voyage ».

Dans l’affaire Masterrind, l’autorité française du point de sortie de l’Union Européenne a reconnu qu’elle estimait systématiquement un transport non conforme au règlement 1/2005 lorsqu’il excédait en tout 29 heures. Mais en réalité, l’autorité française ne prenait pas en compte que le temps pendant lequel le camion roulait, mais également le temps pendant lequel il était à l’arrêt avec les animaux à bord (10 heures en l’espèce). Se posait notamment la question de savoir si et quand les animaux doivent être déchargés, et à partir de quand compte-t-on le début du « voyage » ou du « transport ». Ne pouvant utiliser ni le texte de la règle 14+1+14, ni celui du règlement pour répondre aux questions préjudicielles posées, à savoir si dans le cadre de cette règle le temps de pause « d’au moins une heure » doit connaitre une limite maximale, l’Avocat Général va suggérer de se fier à l’économie générale du règlement, et notamment à son objectif principal.

Il est intéressant de noter que contrairement à l’Avocat Général Wahl, la Cour ne s’embarrasse pas à relever ces confusions entre les différents termes et emploie un nouveau terme créé par ses soins, celui de « période de déplacement »[26] pour désigner le déplacement stricto sensu des animaux (lorsque le camion roule), qu’elle substitue au terme « transport », originellement employé par le règlement[27]. Toutefois, la Cour va s’inspirer de la suggestion de l’Avocat général de rechercher la réponse aux questions dans l’objectif global du règlement en effectuant une lecture théologique pour répondre au juge allemand.

Cette notion ambigüe de « voyage » a également fait l’objet de débats dans l’affaire Zuchtvieh-Export, car se posait la question de savoir si les dispositions du règlement 1/2005 doivent être respectées pendant toute la durée du « voyage » même si ce dernier n’a pas entièrement lieu dans l’Union Européenne. En effet, le Carnet de Route que le transporteur doit remplir et faire approuver par les autorités compétentes, dispose d’une section intitulée « liste des points de repos prévus ». Le terme « prévu » a fait l’objet d’interprétation. En effet, l’exportateur se fondait sur ce terme pour estimer que seuls les points d’arrêts « prévus » (sous-entendu, « prévus à l’avance ») ont à être mentionnés dans cette section, et non les points d’arrêts qui seront décidés en cours de route. Selon ses dires, seuls les points de repos dans l’Union Européenne peuvent être prévus, et non ceux en dehors. L’Avocat Général arrive à la même conclusion tout en suivant un raisonnement différent. Il s’appuie sur l’Annexe II du règlement 1/2005, qui prévoit que le Carnet de Route doit être conservé « au moins jusqu’au point de sortie » de l’UE, et que par conséquent, une fois les frontières européennes franchies, le Carnet de Route n’est plus obligatoire[28]. La Cour va rejeter cet argument en se basant sur le terme « voyage ». L’Article 5 du règlement prévoit en effet qu’en cas de « voyage » de longue durée à destination d’un Pays tiers, les organisateurs doivent remplir le Carnet de Route. Or, il n’est nulle part précisé que cette disposition ne s’applique que pour la partie du voyage ayant lieu dans l’UE. Estimant donc que le voyage ne se termine qu’une fois la période de repos de 48 heures effectuées, la Cour a estimé que la section du Carnet de Route relative aux points de repos prévu devait être remplie « tant pour la partie de ce voyage se déroulant sur le territoire de l’Union que pour celle se déroulant sur le territoire de pays tiers »[29]. Toutefois dans cette affaire, également, la Cour va se baser sur l’objectif du règlement 1/2005[30] pour répondre aux questions préjudicielles qui lui sont adressées.

·         Le repos

« Temps de repos », « durée de repos » et « période de repos »

Dans l’affaire Masterrind, un des aspects des questions soulevées concerne la notion de « temps de repos » posée par la règle 14+1+14 et de savoir si le repos en question peut être effectué à bord du véhicule, ou si les animaux doivent forcément être déchargés pour qu’il y ait repos.

Il est intéressant de noter que le règlement 1/2005 et ses Annexes emploient aléatoirement les notions de « temps de repos », « durée de repos » et « période de repos ». Toutefois, aucune de ces notions n’est définie, mais leur usage semble distinguer ces termes.

Une définition de la « durée de repos » figurait dans la directive 91/628[31] comme étant « une période continue au cours du voyage pendant laquelle les animaux ne sont pas déplacés grâce à un moyen de transport ». La définition ne précisait donc pas si les animaux doivent être déchargés.

Selon les annexes de l’actuel règlement 1/2005, le « temps de repos » correspond à une période de 24 heures pendant laquelle les animaux sont déchargés, alimentés, abreuvés[32]. Toutefois, cette définition semble se heurter à celle donnée par l’Article 2 du règlement du « lieu de repos », défini comme étant « tout lieu d’arrêt au cours du voyage qui n’est pas un lieu de destination, y compris le lieu où les animaux ont changé de moyen de transport en étant ou non déchargés ».

Il faut donc déduire de ce micmac lexical qu’au sens du règlement il existe donc des « temps de repos » correspondant soit à des périodes de 24 heures pendant lesquelles les animaux sont forcément déchargés, soit à des périodes « d’au moins une heure », pendant lesquelles on ignore si les animaux doivent être déchargés ou non. Il existe par ailleurs des « périodes de repos » ou « repos » pendant lesquels les animaux n’ont pas nécessairement à être hébergés. Enfin, reste à savoir comment nommer la période de 48 heures pendant laquelle l’animal est hébergé qui figure à la définition du « lieu de départ » et du « lieu de destination ».

Là également, ne pouvant trouver juste mot et cohérence, la Cour va employer un autre terme créé par ses soins : celui de « phase d’arrêt »[33], qu’elle oppose aux « périodes de déplacement ».

 

La question de la durée du temps de repos

L’utilisation de l’expression « au moins une heure » dans la rédaction de la règle 14+1+14 va poser de nombreux problèmes. En effet, comme le fait remarquer la Cour, l’expression « au moins », signifie clairement que le repos peut excéder une heure[34]. Toutefois, si l’expression prévoit donc un temps de repos d’au moins une heure, il ne prévoit pas de temps de repos maximal. L’article précise toutefois que ce temps de repos doit être « suffisant », sans apporter plus de précision sur le sens à donner à ce terme non plus. La réponse à cette question va être apportée en étudiant le sens de l’adverbe « notamment », et dans la recherche de la fonctionnalité de ce temps de pause d’au moins une heure.

 

La question de la finalité du temps de repos d’une heure et de sa prolongation

La seconde partie de l’Article 1.4 d) prévoit que le temps de pause doit être effectué « notamment » pour que les animaux soient abreuvés et « si nécessaire » pour qu’ils soient alimentés. Concernant le but du temps de repos qui posait problème à cause de l’emploi de l’adverbe « notamment », la Cour, suivant les conclusions de l’Avocat Général, va estimer que cette phrase signifie clairement que le temps de repos prévu l’est dans l’intérêt du bien-être des animaux transportés, à savoir qu’ils puissent se reposer afin d’« entamer dans de bonnes conditions la seconde période de déplacement »[35]. Pourtant, l’utilisation du « notamment » pouvait prêter à discussion. Mais sans doute, au regard du nombre d’incohérences terminologiques présentes dans le Règlement, la Cour a préféré éviter une analyse lexicale. Toutefois, la Cour va faire part d’originalité en estimant « qu’aussi longtemps que l’arrêt du véhicule satisfait ce besoin essentiel de repos, cet arrêt peut être considéré comme justifié sans qu’il importe que sa prolongation réponde exclusivement à ce besoin »[36]. Cette phrase semble fortement contradictoire. En effet, alors que la Cour estime que le « temps de pause d’au moins une heure » (ou plus exactement sa première heure) doit être fait dans l’intérêt des animaux, elle estime également que la prolongation de cette pause peut aussi être faite pour d’autres raisons… Il s’agit là d’une interprétation allant plus loin que le texte original qui ne distinguait pas la première heure du temps de repos de la suivante. Par ailleurs, la Cour renvoie à l’autorité compétente nationale le soin d’estimer si la pause est justifiée ou non. La Cour pause toutefois un « garde-fou » : ce temps de pause ne doit pas engendrer « un risque de blessure ou de souffrances inutiles »[37] pour les animaux. La question de la durée, de l’utilité et du but du temps de pause reste donc entière…

La réponse aux questions du juge allemand va encore une fois devoir être trouvée au regard de l’objectif général du règlement.

·         La prolongation dérogatoire de deux heures du voyage en cas de proximité du lieu de destination

L’article 1.8 prévoit de manière dérogatoire une prolongation de deux heures du temps maximum de voyage « dans l’intérêt des animaux », « en particulier » si le « lieu de destination » est proche. Il fait noter que tout comme l’article 1.5 précédemment analysé, cet article souffre d’un manque de clarté et de précision évident laissant l’appréciation de « l’intérêt des animaux » à la subjectivité de l’autorité compétente. Il en est de même avec la notion de « proximité » du lieu de destination. Par ailleurs, l’emploi du terme « en particulier », pourrait également faire l’objet de développements, à l’instar du terme « notamment » employé par l’article 1.5.

Pourtant, l’Avocat Général Wahl estime qu’il n’est pas nécessaire de tenter d’analyser cet article, car dans les faits le lieu de destination n’est pas le port français de Sète, mais le Maroc[38], et que par ailleurs Masterrind n’a pas évoqué l’application de la règle. Cette affirmation est surprenante, car jusqu’ici l’Avocat Général avait pris grand soin de se pencher sur chaque terme et de l’analyser méticuleusement. La question méritait en soi développement, car, au regard des définitions données à l’article 2 du règlement, le « lieu de destination » n’est pas, comme on pourrait le penser, le « point final » du voyage, mais est défini comme étant, soit le lieu où l’animal n’est pas dans un moyen de transport pendant au moins 48 heures, soit le lieu où il est abattu[39]. En l’espèce, regrettablement, aucune indication n’est donnée, ni dans les conclusions de l’Avocat Général, ni dans l’arrêt de la Cour quant au temps d’arrêt effectué à Sète avant le départ du navire contenant les animaux pour le Maroc. Ainsi, si ce temps excédait 48 heures, la dérogation de deux heures de l’Article 1.8 aurait pu être invoquée, car Sète serait devenu le « lieu de destination »…

 

II.                Le « challenge » de donner une solution réaliste et praticable dont les effets concrets préserveront l’objectif du règlement 1/2005

·         A la recherche de l’objectif principal du règlement 1/2005

Face à l’imprécision des termes, suivant les conclusions des Avocats Généraux, la Cour va tenter de se référer à l’objectif général du règlement 1/2005 afin de donner une solution qui le préservera. Toutefois, la Cour va d’abord devoir définir cet objectif principal.

En 2006 déjà, la Cour avait dû se prononcer sur l’objectif général de la directive 91/628 dans le cadre de l’arrêt Viamex Agrar[40], repris dans l’arrêt Interboves[41]. L’Avocat Général Wahl, reprenant les arguments de Masterrind, évoque ce dernier arrêt dans ses conclusions[42]. Toutefois, ce qui est surprenant, c’est qu’il considère que dans cet arrêt la Cour a décidé que les règles de la directive 91/628 visaient en premier lieu l’élimination des entraves techniques et dans un second lieu le bien-être des animaux transportés, ce qui aurait changé sous l’égide du règlement 1/2005[43]. Pourtant, dans l’affaire Viamex Agrar, la Cour n’avait pas hésité à rappeler que la directive 91/628 a pour objectif de protéger le bien-être des animaux transporté, ce dernier représentant un objectif « d’intérêt général » « dont les institutions doivent tenir compte dans la poursuite des objectifs de la politique agricole, notamment dans le cadre des organisations communes de marchés »[44]. La Cour précisait que « la législation communautaire sur le bien-être des animaux, en plus de constituer une réponse au sentiment commun qui s’oppose à ce que des souffrances inutiles soient infligées aux animaux, et de contribuer directement et indirectement à la sauvegarde de la qualité des produits alimentaires, tend à la fixation de normes minimales de protection communes à tous les États membres, afin d’éviter des inégalités de traitement entre les opérateurs économiques et des distorsions à la libre circulation des marchandises »[45]. Cette interprétation a par ailleurs été confirmée par l’arrêt Interboves au cours duquel la Cour précise que le principal objectif poursuivi par la directive 91/628 est la protection des animaux en cours de transport[46]. Ces arrêts seront également mentionnés dans l’affaire Zuchtvieh-Export pour établir que la protection animale est l’objectif principal du règlement 1/2005[47]. Par ailleurs, dans une autre affaire de 2011[48], la Cour a été on ne peut plus clair vis-à-vis de l’objectif du règlement 1/2005 et de la directive l’ayant précédée : « Quant aux objectifs du règlement n° 1/2005, il convient de relever que, si, certes, l’élimination des entraves techniques aux échanges d’animaux vivants et le bon fonctionnement des organisations de marché, évoqués au deuxième considérant de celui-ci, relèvent de la finalité de ce règlement de la même manière qu’ils relevaient de celle de la directive 91/628, dont il est le prolongement, il résulte cependant des deuxième, sixième et onzième considérants dudit règlement que, à l’instar de cette directive, son principal objectif réside dans la protection des animaux en cours de transport » [49].

C’est ainsi en se fondant sur la seule disposition claire du règlement, à savoir son objectif général figurant à l’Article 3, que la Cour interprète le règlement 1/2005 et la règle 14+1+14 de façon favorable au bien-être animal et suivant un objectif de réduction des temps de transport. C’est également en se fondant sur cet objectif, que la Cour va venir de manière audacieuse consacrer l’externalité du règlement 1/2005.

·         Etendre le champ de l’objectif de protection animale du règlement 1/2005 en dehors de l’Union Européenne : L’affaire Zuchtvieh-Export

Il est intéressant de noter que déjà en 1997, il ait souligné la nécessité de faire respecter le règlement 1/2005 (à l’époque la directive 91/628) une fois les frontières européennes franchies. Dans l’affaire Viamex Agrar, paraphrasant les considérant de l’ancien règlement sur les restitutions à l’exportation, la Cour relevait que « l’expérience acquise dans la mise en œuvre de la directive 91/628 avait montré que le bien-être des animaux vivants n’était pas toujours respecté dans les cas d’exportation d’animaux  » et que « des mesures supplémentaires à caractère dissuasif doivent être prises et appliquées de manière uniforme, s’il s’avère, sur la base de l’état physique et/ou de santé de plusieurs animaux d’un même lot, que les dispositions concernant la protection des animaux en cours de transport n’ont pas été respectées »[50].

Toutefois, résidait une incohérence : dans le cadre de la demande de restitution à l’exportation, une partie des dispositions du règlement 1/2005 et la règle 14+1+14 doivent être respectés. En revanche, si aucune restitution à l’exportation n’est demandée, cette règle ne s’appliquerait plus une fois les frontières européennes franchies. En effet, alors que les articles 14 et 21 du règlement 1/2005 prévoient que l’autorité compétente doit effectuer des contrôles permettant de « vérifier » le « respect » des dispositions du règlement et que le Carnet de Route (rempli par l’exportateur) est « réaliste » et « permet de penser que le transport est conforme au règlement », l’Annexe II prévoit qu’en cas d’exportation vers un pays tiers, le Carnet de Route (attestant du respect du règlement) ne doit accompagner les animaux qu’« au moins jusqu’au point de sortie » de l’UE. Au contraire, le règlement 817/2010 relatif aux restitutions à l’exportation impose le respect du règlement 1/2005 pour obtenir une restitution à l’exportation « jusqu’au premier lieu de déchargement dans le Pays tiers de destination finale »[51], autrement dit y compris pour la partie du voyage n’ayant pas lieu dans l’Union Européenne. L’Avocat Général Yves Bot[52] va utiliser cette incohérence pour mettre en avant le fait que si le législateur avait souhaité que le règlement s’applique en dehors de l’UE, il l’aurait prévu expressément et aurait prévu les contrôles adéquats comme il l’a fait dans le cadre du règlement 817/2010[53]. Pourtant l’interprétation contraire peut être faite : par le biais de ce règlement 817/2010 adopté après le règlement 1/2005, le législateur a tenté d’élargir le champ d’application du Règlement 1/2005 en précisant son effet extraterritorial. Cette interprétation semble particulièrement cohérente à la vue du fait que dans cette affaire Zuchtvieh-Export, la Commission (qui a l’initiative des projets de règlements) se prononçait en faveur d’un tel élargissement du champ d’action du règlement 1/2005. Toutefois, c’est en se fondant sur l’objectif de protection animale du règlement 1/2005 tel que défini à son Article 3, que la Cour va estimer que le règlement 1/2005 et la règle 14+1+14 s’applique également à un voyage commençant dans l’Union Européenne mais se terminant en dehors de ce territoire.

Restait toutefois la problématique de la rédaction de l’Article premier du règlement 1/2005 qui dispose que « Le présent règlement s’applique au transport d’animaux vertébrés vivants à l’intérieur de la Communauté, y compris les contrôles spécifiques des lots entrant sur le territoire douanier de la Communauté ou quittant celui-ci auxquels doivent procéder les fonctionnaires compétents »[54]. Ce premier article a fait l’objet de vives discussions, ayant mené à une interprétation divergente entre la Cour et l’Avocat Général Yves Bot. L’Avocat Général estime que les termes « à l’intérieur de la Communauté » de l’Article premier sont « sans ambiguïté »[55], et signifient clairement qu’un transport effectué en dehors de l’Union Européennes n’est pas soumis aux exigences du règlement. A l’opposé, la Cour estime quant à elle qu’il ne faut « pas se limiter à une lecture isolée de la première partie de l’article »[56], car la seconde partie se réfère aux transports au départ de l’Union Européenne et à destination d’Etats tiers, ou à départ d’Etats tiers et à destination de l’Union Européenne. Pourtant s’il est vrai que l’article mentionne les « lots entrant sur le territoire douanier de la Communauté ou quittant celui-ci », il n’est pas fait part du « transport » de ces lots, mais du « contrôle » de ces derniers. La rédaction de cet article est donc remarquablement complexe et invite à débat. Ainsi, l’Avocat général estime que cette terminologie signifie uniquement que le contrôle du respect des exigences du règlement 1/2005 s’effectue également pour des voyages qui dépassent le cadre des frontières de l’Union Européenne, mais uniquement pour la partie de ce voyage ayant lieu dans l’Union Européenne[57]. C’est également ainsi que l’Avocat Général interprète les dispositions de l’Article 14 sur les contrôles des voyages longue durée en provenance et à destination de pays tiers. L’Avocat Général pose également la question du réalisme d’une application extraterritoriale du règlement. La Commission Européenne propose quant à elle une autre interprétation quelque peu surprenante : l’autorité du Pays de sortie de l’Union Européenne devrait seulement vérifier que « les conditions générales » du règlement soient respectées[58], sans pour autant que toutes les conditions du règlement soient respectées une fois le territoire européen quitté. Cette interprétation quasi contra legem (au regard notamment de l’Article 14) est rejetée tant par l’Avocat général que par la Cour. La Cour va estimer de façon très audacieuse et novatrice, que le règlement vient à s’appliquer en dehors du territoire de l’Union Européenne. Cette affirmation a une double conséquence : non seulement les exportateurs devront respecter ce règlement pour toute la durée du « voyage », mais tel sera également le cas des importateurs, qui devront lors de leur entrée dans l’UE démontrer que les exigences du règlement 1/2005 ont été respectées dès le début du « voyage ». Il est intéressant de relever un des arguments avancés par Zuchtvieh-Export qui faisait remarquer qu’il est difficile en pratique de remplir le journal de bord en prévoyant des arrêts en Fédération de Russie (un des Pays traversés), car certaines réglementations locales interdisent tout déchargement d’animaux sur le territoire[59]. La Cour répond de manière audacieuse à ce point que si telle réglementation existe, c’est à l’exportateur de changer la planification de son transport, afin de garantir le respect des exigences du règlement 1/2005[60].

Par ailleurs, il est intéressant de relever la grande marge d’appréciation que par sa décision la Cour va laisser aux autorités nationales. Il s’agissait notamment d’un des arguments de l’Avocat Général pour s’opposer à une application du règlement 1/2005 en dehors des frontières européennes. L’Avocat Général estime que cela mènerait à une application divergente du règlement, dont l’appréciation du respect serait soumise à la subjectivité des autorités compétentes de départ[61]. En effet, les autorités compétentes doivent attester que les données figurant dans le carnet de route sont « réalistes » et « permettent de penser que le transport est conforme » au règlement 1/2005. Aucune autre précision n’est apportée pour préciser la manière d’attester ce réalisme. Il n’est par ailleurs pas étonnant que dans l’affaire Zuchtvieh-Export cette appréciation stricte du « réalisme » vienne d’une autorité allemande, car l’Allemagne est connue pour être, de manière générale, un Pays pionnier en matière de bien-être animal, ce principe figurant dans la Constitution Fédérale Allemande[62]. Par son arrêt, la Cour va renforcer la marge d’appréciation en autorisant expressément l’autorité compétente à exiger une modification de la planification du transport, si elle estime que les données fournies par l’exportateur ne sont pas « réalistes ».

·         Concilier les règles relatives aux temps de conduite maximum des chauffeurs routiers avec les règles relatives aux temps de transport maximum des animaux : L’arrêt Masterrind

L’affaire Masterrind a mis en exergue une question qui avait été soulevée à plusieurs reprise lors de l’adoption du règlement 1/2005 : celle de la conciliation des règles européennes relatives aux temps de conduite et de repos des chauffeurs routiers[63] avec la règle 14+1+14. En l’espèce, était notamment reproché à Masterrind d’avoir effectué une pause de 10 heures sans décharger les animaux afin de respecter le temps de repos obligatoire du chauffeur du camion, et non dans le but de préserver le bien-être des animaux transportés. Ce temps de pause avait donc pour effet de rallonger la durée du « voyage » de 10 heures.

L’Avocat Général Wahl et la Cour vont relever que si la règle était appliquée strictement, cela encouragerait les conducteurs à attendre 14 heures avant de s’arrêter[64]. Par ailleurs, l’avocat général précise qu’une application stricte de cette règle serait « déraisonnable », et la Cour précise « concrètement impraticable »[65]. En effet, au regard des règles en vigueur (règlement 561/2006), les chauffeurs routiers sont tenus à ne pas conduire plus de 10 heures par jour[66]. Par ailleurs, toutes les 4h30, le chauffeur doit effectuer une pause d’au moins 45 minutes, pouvant être découpée en une pause de 15 minutes suivie d’une pause de 30 minutes[67]. Ces règles semblent incompatibles avec la règles 14+1+14.

C’est en reconnaissant cette incompatibilité en pratique et en voulant donner une solution praticable que la Cour va interpréter le règlement 1/2005 en estimant qu’il est possible de fragmenter la règle 14+1+14 en plusieurs temps de conduite et plusieurs phases d’arrêt. Toutefois la Cour pose une double limite. Premièrement, les temps d’arrêts supplémentaires doivent être justifiés « par des nécessités liés au transport lui-même ». Par ailleurs, la Cour précise que l’addition des périodes de déplacement et des phases d’arrêt ne doit pas excéder quatorze heures avant un temps de pause[68], et la durée totale « de voyage et de repos » ne peut excéder 29 heures. En d’autres termes, la Cour permet aux transporteurs de ne pas respecter le schéma 14 heures de route, 1 heure de repos, 14 heures de route. Ainsi, en respect de la législation sur les temps de conduite, un chauffeur routier pourrait effectuer des « périodes de déplacement » de 4h30 et des « périodes d’arrêt » de 45 minutes, tant que chacun de ses temps de déplacement et de pause n’excèdent pas 14 heures avant un « temps de repos » d’une heure, et 29 heures avant une pause de 24 heures pendant laquelle les animaux seront déchargés, abreuvés et nourris.

Remarque conclusive

Chaque année, des milliers[69] d’animaux sont transportés dans l’Union Européenne, principalement pour être abattus. Bien que les règles européennes existent depuis les années 1960, il semblerait que la législation en la matière reste très opaque et difficile à appliquer.

En 2008, une campagne initiée par le député européen danois Dan Jørgensen et l’ONG Animals’ Angels et relayée par la suite par une centaine d’ONG de différents Etats européens, plus d’un million de citoyens européens[70], ainsi que 395 députés européens[71] demandaient à la Commission de réviser le règlement 1/2005 pour limiter le temps de transport maximum des animaux à 8 heures. La Commission Européenne n’a jamais donné suite à ces demandes, car elle estime qu’il est préférable d’améliorer l’application de l’actuel règlement avant d’envisager sa révision.

Depuis mai 2015, un projet-pilote de la Commission Européenne (DG SANTE) intitulé « Animal Transport Guide »[72] a été mis en place. Il s’agit d’un consortium de 16 partenaires visant à élaborer un « guide de bonne pratiques » sous formes de lignes directrices relatives au transport de bovins, des chevaux, des porcs, de la volaille et ovins. Le projet devrait aboutir d’ici fin 2018. Récemment, plusieurs députés européens ont interrogé la Commission Européenne sur l’impact qu’auront les arrêts Zuchtvieh-Export et Masterrind sur ce projet, et plus généralement sur le règlement 1/2005[73]. La Commission Européenne n’a pas encore eu le temps de répondre à cette question.

 

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Линк към резюмето на български на статията:

ТРАНСПОРТИРАНЕ НА EДЪР РОГАТ ДОБИТЪК ПРИ ПЪТУВАНИЯ С ГОЛЯМА ПРОДЪЛЖИТЕЛНОСТ: НЕСЪОТВЕТСТВИЯТА В ЕВРОПЕЙСКОТО ЗАКОНОДАТЕЛСТВО, НЕЕДНОКРАТНО КОНСТАТИРАНИ ОТ СЪДА НА ЕС

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[1] Sophie Duthoit est une juriste française spécialisée en droit de l’Union Européenne. Elle prépare actuellement une thèse de doctorat sur « La transmission d’animaux à distance ». En parallèle, elle occupe le poste de Responsable des affaires politiques et juridiques européennes concernant les animaux de compagnie au sein du bureau européen de l’organisation internationale VIER PFOTEN/ FOUR PAWS. Les propos exprimés dans cet article doivent être considérées comme propres à leur auteur.

[2] Règlement (CE) n° 1/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 relatif à la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes et modifiant les directives 64/432/CEE et 93/119/CE et le règlement (CE) n° 1255/97, JO L 3, 5.1.2005, p. 1–44

[3] Convention STE n°65 du 13 Décembre 1968

[4] Directive 91/628/CEE du Conseil, du 19 novembre 1991, relative à la protection des animaux en cours de transport et modifiant les directives 90/425/CEE et 91/496/CEE, JO L340 du 11.12.1991

[5] Directive 95/29/CE du Conseil, du 29 juin 1995, modifiant la directive 91/628/CEE relative à la protection des animaux en cours de transport, JO L 148, 30.6.1995, p. 52–63

[6] Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 23 avril 2015, Zuchtvieh-Export GmbH / Stadt Kempten, C‑424/13, ECLI:EU:C:2015:259, publié au Recueil numérique (Recueil général)

[7] Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 28 juillet 2016, Masterrind GmbH / Hauptzollamt Hamburg-Jonas, C‑469/14, ECLI:EU:C:2016:609, non encore publié

[8] Règlement (UE) n ° 817/2010 de la Commission du 16 septembre 2010 portant modalités d’application en vertu du règlement (CE) n ° 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les exigences en matière de bien-être des animaux vivants de l’espèce bovine en cours de transport pour l’octroi de restitutions à l’exportation, JO L 245, 17.9.2010, p. 16–28

[9] Directive 91/628/CEE du Conseil, du 19 novembre 1991, relative à la protection des animaux en cours de transport et modifiant les directives 90/425/CEE et 91/496/CEE, JO L340 du 11.12.1991

[10] Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 9 octobre 2008. Interboves GmbH contre Hauptzollamt Hamburg-Jonas. ECLI:EU:C:2008:548, Recueil de la jurisprudence 2008 I-07433

[11] Les restitutions à l’exportation sont un financement de l’Union Européenne visant à compenser la différence entre les prix européens et les prix mondiaux. Elles peuvent être payées avant le départ ou demandées une fois le voyage effectué. Dans le cadre de l’exportation de bovins, leur paiement est soumis au respect d’une partie du Règlement 1/2005.

[12] Conclusions de l’Avocat Général M. Nils Wahl présentées le 21 Janvier 2016, Affaire C-469/14, ECLI:EU:C:2016:47

[13] Conclusions de l’Avocat Général M. Nils Wahl présentées le 21 Janvier 2016, Affaire C-469/14, précitées, point 20

[14] Conclusions de l’Avocat Général M. Nils Wahl présentées le 21 Janvier 2016, Affaire C-469/14, précitées, point 27

[15] Conclusions de l’Avocat Général M. Nils Wahl présentées le 21 Janvier 2016, Affaire C-469/14, précitées, point 38

[16] Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 17 janvier 2008. Viamex Agrar Handels GmbH (C-37/06) et Zuchtvieh-Kontor GmbH (ZVK) (C-58/06) contre Hauptzollamt Hamburg-Jonas. Affaires jointes C-37/06 et C-58/06. ECLI:EU:C:2008:18. Recueil de la jurisprudence 2008 I-00069 , point 25

[17] Conclusions de l’Avocat Général M. Nils Wahl présentées le 21 Janvier 2016, Affaire C-469/14, précitées

[18] Arrêt de la Cour du 9 octobre 2008, C-277/06, Interboves GmbH contre Hauptzollamt Hamburg-Jonas, précité

[19] Voir Article 2.g) de la directive 91/628 : « «voyage» le déplacement du lieu de départ au lieu de destination »

[20] Voir Article 2.b) de la directive 91/628 : « «transport» tout mouvement d’animaux, effectué par un moyen de transport qui comprend le chargement et le déchargement des animaux »

[21] Voir Article 2.j) du règlement 1/2005 : « «voyage»: l’ensemble de l’opération de transport, depuis le lieu de départ jusqu’au lieu de destination, y compris le déchargement, l’hébergement et le chargement aux points intermédiaires du voyage »

[22] Voir Article 2.w) du règlement 1/2005 : « «transport»: les mouvements d’animaux effectués à l’aide d’un ou de plusieurs moyens de transport et les opérations annexes, y compris le chargement, le déchargement, le transfert et le repos, jusqu’à la fin du déchargement des animaux sur le lieu de destination »

[23] Article 2.e) sous la directive 91/628

[24] Cette période minimale était de 10 heures sous la directive 91/628

[25] Conclusions de l’Avocat Général M. Nils Wahl présentées le 21 Janvier 2016, Affaire C-469/14, précitées, point 38

[26] Arrêt de la Cour du 28 juillet 2016, Masterrind GmbH / Hauptzollamt Hamburg-Jonas, C‑469/14, précité, point 33

[27] Arrêt de la Cour du 28 juillet 2016, Masterrind GmbH / Hauptzollamt Hamburg-Jonas, C‑469/14, précité, points 41 et 42

[28] Conclusions de l’Avocat Général M. Yves Bot présentées le 11 septembre 2014, affaire C-424/13, Zuchtvieh-Export GmbH contre Stadt Kempten, ECLI:EU:C:2014:2216, points 65-67

[29] Arrêt de la Cour du 23 avril 2015, Zuchtvieh-Export GmbH / Stadt Kempten, C‑424/13, précité, point 50

[30] Voir II, premier développement

[31] Voir Article 2, paragraphe 2, sous h) de la directive 91/628/CEE relative à la protection des animaux en cours de transport, telle que modifiée par la directive 95/29/CEE du Conseil, du 29 juin 1995, JO L 148 du 30/06/1995 p. 0052 – 0063.

[32] Article 1, Point 1.5, Chapitre V des annexes, du règlement 1/2005

[33] Arrêt de la Cour du 28 juillet 2016, Masterrind GmbH / Hauptzollamt Hamburg-Jonas, C‑469/14, précité, point 42

[34] Arrêt de la Cour du 28 juillet 2016, Masterrind GmbH / Hauptzollamt Hamburg-Jonas, C‑469/14, précité, point 34

[35] Arrêt de la Cour du 28 juillet 2016, Masterrind GmbH / Hauptzollamt Hamburg-Jonas, C‑469/14, précité, point 36

[36] Arrêt de la Cour du 28 juillet 2016, Masterrind GmbH / Hauptzollamt Hamburg-Jonas, C‑469/14, précité, point 36

[37] Arrêt de la Cour du 28 juillet 2016, Masterrind GmbH / Hauptzollamt Hamburg-Jonas, C‑469/14, précité, point 37

[38] Conclusions de l’Avocat Général M. Nils Wahl présentées le 21 Janvier 2016, Affaire C-469/14, précitées, point 64

[39] Article 2, point s)

[40] Arrêt de la Cour du 17 janvier 2008, Affaires jointes C-37/06 et C-58/06, Viamex Agrar Handels GmbH et Zuchtvieh-Kontor GmbH (ZVK) contre Hauptzollamt Hamburg-Jonas. Recueil de la jurisprudence 2008 I-00069, ECLI:EU:C:2008:18

[41] Arrêt de la Cour du 9 octobre 2008, C-277/06, Interboves GmbH contre Hauptzollamt Hamburg-Jonas, Recueil de Jurisprudence 2008 I-07433, ECLI:EU:C:2008:548

[42] Conclusions de l’avocat général M. Nils Wahl présentées le 21 janvier 2016, Affaire C‑469/14, précitées, point 52

[43] « L’ordre de priorité de ces objectifs semble avoir été inversé dans le règlement n° 1/2005, qui a pour objectif premier de protéger les animaux, l’harmonisation de la législation étant accessoire », Conclusions de l’Avocat Général M. Nils Wahl présentées le 21 Janvier 2016, Affaire C-469/14, précitées, point 52

[44] Arrêt de la Cour du 17 janvier 2008, C-37/06, Viamex Agrar Handels GmbH et C-58/06, Zuchtvieh-Kontor GmbH (ZVK) contre Hauptzollamt Hamburg-Jonas, précité, point 31

[45] Arrêt de la Cour du 17 janvier 2008, C-37/06, Viamex Agrar Handels GmbH et C-58/06, Zuchtvieh-Kontor GmbH (ZVK) contre Hauptzollamt Hamburg-Jonas, précité, point 32

[46] Arrêt de la Cour du 9 octobre 2008, C-277/06, Interboves GmbH contre Hauptzollamt Hamburg-Jonas, précité, point 39

[47] Arrêt de la Cour du 23 avril 2015, C‑424/13, Zuchtvieh-Export GmbH / Stadt Kempten, précité, point 35

[48] Arrêt de la Cour du 21 décembre 2011, affaire C‑316/10, Danske Svineproducenter contre Justitsministeriet, ECLI:EU:C:2008:263, Recueil de la jurisprudence 2008 I-03339

[49] Arrêt de la Cour du 21 décembre 2011, affaire C‑316/10, Danske Svineproducenter contre Justitsministeriet, précité

[50] Arrêt de la Cour du 17 janvier 2008, C-37/06, Viamex Agrar Handels GmbH et C-58/06, Zuchtvieh-Kontor GmbH (ZVK) contre Hauptzollamt Hamburg-Jonas, précité, point 20

[51] Article 1er du Règlement 817/2010 sur les restitutions à l’exportation

[52] Conclusions de l’Avocat Général M. Yves Bot présentées le 11 septembre 2014, affaire C-424/13, , précitées

[53] Conclusions de l’Avocat Général M. Yves Bot présentées le 11 septembre 2014, affaire C-424/13, précitées, point 79

[54] Point 1 de l’Article Premier du règlement 1/2005

[55] Conclusions de l’Avocat Général M. Yves Bot présentées le 11 septembre 2014, affaire C-424/13, précitées, point 47

[56] Arrêt de la Cour du 23 avril 2015, Zuchtvieh-Export GmbH / Stadt Kempten, C‑424/13, précité, point 38

[57] Conclusions de l’Avocat Général M. Yves Bot présentées le 11 septembre 2014, affaire C-424/13, précitées, point 52

[58] Conclusions de l’Avocat Général M. Yves Bot présentées le 11 septembre 2014, affaire C-424/13, précitées, point 84

[59] Toutefois, la Commission remet en cause la véracité de cette affirmation, voir arrêt de la Cour du 23 avril 2015, Zuchtvieh-Export GmbH / Stadt Kempten, C‑424/13, précité, point 53

[60] Arrêt de la Cour du 23 avril 2015, Zuchtvieh-Export GmbH / Stadt Kempten, C‑424/13, précité, point 55

[61] Conclusions de l’Avocat Général M. Yves Bot présentées le 11 septembre 2014, affaire C-424/13, précitées, point 89

[62] Article 20a de la Constitution Fédérale Allemande

[63] Voir en particulier le règlement (CE) n°561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, modifiant les règlements (CEE) no 3821/85 et (CE) no 2135/98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) no 3820/85 du Conseil

[64] Conclusions de l’Avocat Général M. Nils Wahl présentées le 21 Janvier 2016, Affaire C-469/14, précitées, point 45 et Arrêt de la Cour du 28 juillet 2016, Masterrind GmbH / Hauptzollamt Hamburg-Jonas, C‑469/14, précité, point 41

[65] Arrêt de la Cour du 28 juillet 2016, Masterrind GmbH / Hauptzollamt Hamburg-Jonas, C‑469/14, précité, point 41

[66] Règlement 561/2006, précité, Article 6

[67] Règlement 561/2006, précité, Article 7

[68] Arrêt de la Cour du 28 juillet 2016, Masterrind GmbH / Hauptzollamt Hamburg-Jonas, C‑469/14, précité, point 42

[69] Le Rapport de 2001 faisait état de plus de deux millions d’animaux – porcins, bovins, ovins et chevaux – qui faisait chaque année l’objet de transports extrêmement longs à travers l’Union européenne ainsi qu’en provenance ou à destination de pays tiers. Voir avis de la Commission de l’environnement, de la sante publique et de la politique des consommateurs du 13 Septembre 2001 à l’intention de la commission de l’agriculture et du développement rural sur le rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur l’expérience acquise par les États membres depuis la mise en application de la directive 95/29/CE du Conseil modifiant la directive 91/628/CEE concernant la protection des animaux en cours de transport, COM (2000) 809

[70] En Juin 2012, la pétition initiée par la campagne avait collecté 1 103 248 signatures

[71] Voir la Déclaration Ecrite 49/2011 du 30 novembre 2011 adoptée après la signature de 395 députés ayant mené à la Résolution du Parlement européen du 12 décembre 2012 sur la protection des animaux pendant le transport (2012/2031(INI)), OJ C 434, 23.12.2015, p. 59–64

[72] http://animaltransportguides.eu

[73] Question écrite du 16 décembre 2016, « Animal Transport Guides Project », E-009522-16, posée par les députés européens Eleonora Evi (EFDD), Stefan Eck (GUE/NGL), Isabella Adinolfi (EFDD), Fabio Massimo Castaldo (EFDD), Anja Hazekamp (GUE/NGL), Ignazio Corrao (EFDD)