Nadezhda Todorova[1]
La présente publication porte, d’une part, sur la présentation de la décision de la Cour suprême danoise du 6 décembre 2016 qui applique une règlementation nationale jugée par la Cour de justice dans son arrêt Dansk Industri, C-441/14, du 19 avril 2014 contraire au principe de non-discrimination en fonction de l’âge (Partie I), et, d’autre part, sur l’analyse de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union relative au principe de responsabilité de l’État pour violation du droit de l’Union imputable à une juridiction statuant en dernier ressort ainsi que sur les voies de recours extraordinaires prévues par le droit des États membres à l’encontre d’une décision nationale définitive non conforme au doit de l’Union (Partie II).
Notons que l’importance et le rôle du principe cardinal de l’autorité de la chose jugée (res judicata) ne font pas l’objet de l’examen dans cette publication.
En ce qui concerne la décision de la Cour suprême danoise (Højesteret), il convient de souligner que suite à l’arrêt préjudiciel Dansk Industri précité de la Cour de justice, la juridiction suprême danoise a appliqué la réglementation nationale excluant d’une indemnité spéciale de licenciement un travailleur éligible au bénéfice d’une pension de vieillesse due par l’employeur au titre d’un régime de pension auquel l’employé a adhéré avant l’âge de 50 ans, indépendamment du fait qu’il choisisse de rester sur le marché du travail ou de prendre sa retraite.
En fait, l’aspect manquant de cette décision réside dans le fait que la Cour suprême a fait application de cette réglementation nationale alors même que la Cour de justice avait jugé que le principe de non-discrimination en fonction de l’âge s’oppose à une telle réglementation, et ce également dans un litige entre particuliers, à savoir entre un employé et un employeur privé.
Dans la deuxième partie de la présente publication, en ce qui concerne la jurisprudence de la Cour de justice relative au principe de responsabilité de l’État pour violation du droit de l’Union imputable à une juridiction statuant en dernier ressort, je me suis référée à l’arrêt significatif Köbler, C-224/01, ainsi qu’ à la jurisprudence plus récente de la Cour (arrêts Târșia, C-69/14, João Filipe Ferreira da Silva e Brito, C-160/14, etc.). Notons que, à cet égard, la Cour a statué que, eu égard au rôle essentiel joué par le pouvoir judiciaire dans la protection des droits que les particuliers tirent des règles du droit de l’Union, la pleine efficacité de celles-ci serait remise en cause et la protection des droits qu’elles reconnaissent serait affaiblie s’il était exclu que les particuliers puissent, sous certaines conditions, obtenir réparation lorsque leurs droits sont lésés par une violation du droit de l’Union imputable à une décision d’une juridiction d’un État membre statuant en dernier ressort.
S’agissant des possibilités de révision d’une décision de justice nationale suite à un arrêt postérieur, en sens contraire, de la Cour de justice, il convient de souligner qu’une telle possibilité est expressément prévue dans le droit letton, les droits administratifs roumain et polonais et dans le droit civil slovaque. Parmi ces droits, les solutions les plus favorables au droit de l’Union, et partant, aux arrêts de la Cour de justice, se trouvent en droit administratif roumain.
Aucune disposition spécifique dans l’ordre juridique bulgare ne prévoit expressément un recours en révision en cas d’arrêt de la Cour de justice contredisant une décision définitive rendu par les juridictions nationales. Par ailleurs, la Cour suprême administrative a, compte tenu des circonstances de l’affaire et de la connaissance par l’intéressé d’un arrêt préjudiciel de la Cour, refusé de qualifier ce dernier de «fait nouveau» justifiant la réouverture de la procédure. Toutefois, selon certains représentants de la doctrine un arrêt préjudiciel peut constituer une circonstance, document ou fait nouveau au sens de l’article 239 du Code de la procédure administrative.
Notons que les droits allemand, autrichien, espagnol, slovaque, belge, croate, tchèque, chypriote, letton et hongrois connaissent un droit de recours direct formé par tout justiciable devant la Cour constitutionnelle à l’encontre des décisions définitives ayant porté atteinte aux droits fondamentaux du requérant.
La protection des droits conférés aux particuliers par le droit de l’Union est également assuré par l’obligation de la juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne de saisir, à titre préjudiciel, la Cour de justice, en vertu de l’article 267, paragraphe 3 du TFUE.
Enfin, nous pouvons conclure que les États membres sont responsables pour assurer une protection effective des droits des particuliers qu’ils tirent de l’effet direct du droit de l’Union mais cette autonomie de l’ordre procédural interne, est encadrée par les principes d’effectivité et d’équivalence.
Le principe d’équivalence de la protection juridictionnelle, de non-discrimination juridictionnelle ou d’égalité de traitement judiciaire requiert que l’ensemble des règles de procédure nationales s’appliquent indifféremment aux recours fondés sur la violation du droit de l’Union et aux recours similaires fondés sur la méconnaissance du droit interne. Le principe d’effectivité implique quant à lui que si un droit est reconnu aux particuliers par le droit de l’Union européenne, les États membres ont la responsabilité d’en assurer la protection effective, ce qui implique le plus souvent l’existence d’un recours juridictionnel. En d’autres termes, ce principe vise à empêcher qu’une disposition procédurale d’un État ne rende impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union européenne.
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Link to the article in Bulgarian language: Механизми за защита на частноправните субекти при нарушение на правото на ЕС от националните съдилища на държавите членки
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[1] Administrateur-juriste au Service de la Recherche et Documentation, Cour de justice de l’Union Européenne