APPLICATION DU DROIT DE L’UNION DANS DES SITUATIONS PUREMENT INTERNES. COMPÉTENCE DE LA COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE D’INTERPRÉTER LE DROIT DE L’UNION EN DEHORS DE SON CHAMP D’APPLICATION

Author

Alexander Kornzezov[1]

Radostina Stefanova-Kamisheva[2]

 

 

La question de savoir si le droit de l’Union trouve à s’appliquer dans des situations purement internes figure parmi les plus difficiles en droit de l’Union et secoue l’esprit de la doctrine et de nombre d’avocats généraux depuis des décennies. La jurisprudence à cet égard paraît assez casuistique, voire complexe, au point de soulever un risque de cohérence et de prévisibilité.

La réponse à cette question revêt une importance considérable au niveau tant procédural que substantiel. Ainsi, si le droit de l’Union ne trouve pas à s’appliquer, l’affaire doit être jugée par rapport au droit national et le cas échéant le droit international (par exemple en prenant en considération la Convention européenne des droits de l’homme). Une éventuelle question préjudicielle posée à la Cour de justice sur le fondement de l’article 267 TFUE serait rejetée, la Cour se déclarant incompétente d’y répondre. En revanche, si le droit de l’Union trouve à s’appliquer dans une situation purement interne, l’affaire doit être jugée en conformité avec le droit de l’Union. Or, il n’est pas exclu que l’issu de l’affaire soit différent dans l’un et l’autre cas.

Malgré l’importance de cette question, la problématique la sous-tendant est souvent mal comprise, surtout au niveau national. En fait, la question de savoir si le droit de l’Union trouve à s’appliquer dans des situations purement internes dépend de celle de savoir quelle est la compétence de l’Union dans le domaine donné. En effet, la compétence de l’Union est attribuée. Selon l’article 4, paragraphe 1 TUE toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres. Par conséquent, la question de l’application du droit de l’Union dans des situations purement internes ne peut être analysée in abstracto, comme c’est souvent le cas, mais sur la base des dispositions concrètes du droit de l’Union qui attribuent une compétence à l’Union dans un domaine donné. Ainsi, de multiples dispositions du droit de l’Union s’appliquent sans aucune exigence d’élément transfrontalier. Celles-ci s’appliquent donc dans des situations purement internes.

En revanche, lorsque les dispositions applicables évoquent un élément transfrontalier, le droit de l’Union peut néanmoins trouver à s’appliquer même si dans le litige au principal il n’existe aucun élément transfrontalier. L’article cherche à codifier les hypothèses où une telle application est possible, tout en expliquant leur raison d’être et leur justification.

Tant la jurisprudence que la littérature tendent à amalgamer les hypothèses où le droit de l’Union trouve à s’appliquer dans une situation purement interne avec celles où la Cour de justice se déclare compétente pour l’interpréter en dehors de son champ d’application. Or, ces deux hypothèses relèvent de catégories distinctes. En effet, tandis que la première vise à délimiter les paramètres entourant le champ d’application du droit de l’Union en tant que tel, la seconde vise à justifier la compétence de la Cour de justice de l’UE d’interpréter le droit de l’Union en dehors de son champ d’application. Le présent article cherche à codifier et à expliciter cette distinction.

L’article met également l’accent sur une tendance récente pouvant être déduite de la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE qui s’oriente vers l’introduction d’exigences de motivation renforcée des renvois préjudiciels s’inscrivant dans des situations purement internes ou encore dans des situations où le droit national renvoie au droit de l’Union dans des situations se trouvant en dehors du champ d’application de ce dernier.

 

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Приложимост на правото на ЕС в чисто вътрешна ситуация. Компетентност на Съда на ЕС да тълкува правото на ЕС извън приложното му поле

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[1] Juge au Tribunal de l’Union européenne. Les avis exprimés dans cet article sont personnels et n’engagent pas cette institution.

[2] Conseiller juridique au sein du cabinet de M. le juge Kornezov au Tribunal de l’Union européenne.