La Cour de justice confirme l’obligation pour les participants à une entente de produire des preuves ex novo dans le cadre d’une action en dommages et intérêts

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CJUE, 10 novembre 2022, Paccar Inc et a., aff. C-163/21 : ECLI:EU:C:2022:863[1]

 

Maria Fartunova-Michel[2]

 

(See the abstract in English below)

La protection effective du respect des règles de concurrence prévues aux articles 101 et 102 du traité FUE a toujours été une préoccupation prioritaire dans l’ordre juridique de l’Union. Politique commune intégrée par excellence, le domaine de la concurrence est un terrain de prédilection pour les questions de preuves et sert souvent de laboratoire et, par conséquent, de précurseur en ce qui concerne la place et le régime de la preuve dans le droit de l’Union européenne. A son tour, la preuve constitue et, l’a été, l’indicateur très utile de l’évolution de cette politique non seulement en ce qui concerne les pouvoirs d’investigation des autorités nationales compétentes et de la Commission, mais aussi la place des opérateurs économiques qui subissent les effets d’un comportement anti-concurrentiel[3]. De manière tout à fait originale, la question probatoire dans la politique de concurrence avait été très tôt considérée par la Cour de justice comme inhérente à cette politique, notamment en ce qui concerne la charge de la preuve et la notion d’entente, en s’affranchissant ainsi du système de répartition des compétences entre les Etats membres et l’Union et de l’exclusion par principe de la notion de preuve du champ d’application des traités[4]. La Cour de justice avait ainsi progressivement déterminé l’attribution de la charge de la preuve en précisant les éléments qui doivent être apportés par l’opérateur économique et par la Commission pour l’application de l’article 81 du traité CE (devenu article 101 du traité FUE). Cette jurisprudence de la Cour de justice avait, par la suite, été reprise dans l’article 2 du règlement n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité CE[5].

Cette construction jurisprudentielle et sa concrétisation législative ont pour point commun de consolider l’approche libérale de la preuve. En déterminant les obligations qui pèsent sur l’entreprise incriminée d’un comportement anticoncurrentiel et sur la Commission et l’autorité nationale, elles ne s’intéressent pas aux modes de preuves ni à leur valeur probante ainsi qu’aux modalités procédurales de leur production devant une instance judicaire. Cette approche libérale consacre le principe de la liberté de preuve en droit de l’Union européenne[6] que le législateur de l’Union va aussi concrétiser dans la directive 2014/204/UE du Parlement européen, du 26 novembre 2014, relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des Etats membres et de l’Union[7].

Adoptée sur le fondement des articles 103 et 114 du traité FUE, la directive reconnaît à l’opérateur privé, ayant subi les effets anticoncurrentiels d’un comportement d’un autre opérateur économique, un véritable droit à réparation et, la possibilité d’intenter un recours en dommages et intérêts. Elle précise non seulement les modalités procédurales d’introduction d’un tel recours, mais aussi remédie à l’asymétrie procédurale entre les opérateurs économiques concernés au sujet de l’information ou des preuves connues par l’un d’entre eux. La sanction de la « sphère privée » de par son caractère indemnitaire du préjudice subi vient compléter utilement celle prononcée par la « sphère publique ».

Si les dispositions de la directive apparaissent a priori claires, leur transposition n’ayant pas donné lieu à de difficultés particulières, leur application soulève néanmoins des interrogations non seulement en ce qui concerne les obligations qui pèsent sur les Etats dans la détermination du délai pour intenter une action en dommage et intérêts[8], mais aussi celles qui pèsent sur l’entreprise incriminée dans un tel recours en ce qui concerne la production des preuves.

Elément essentiel, la question probatoire est au centre du dispositif de la directive tant par l’étendue de l’obligation de produire que par son articulation avec les preuves détenues par l’autorité nationale compétente[9] dans une action en justice, par principe horizontale, qui oppose deux opérateurs privés. Cette configuration procédurale interroge le rôle de l’opérateur économique lésé et les obligations incombant à celui qui est visé par la procédure à finalités réparatrices. La violation des règles de concurrence étant en principe démontré, c’est le montant du préjudice qui est en jeu. Mais l’approche libérale de la question probatoire promue par la directive donne toute une autre signification de sa portée dès lors qu’elle est articulée avec l’efficacité de la sanction d’un comportement anticoncurrentiel par la « sphère privée ».

C’est dans cette logique que s’inscrit l’arrêt à commenter. En l’espèce, les sociétés Paccar Inc, Daf Trucks NV et DAF Trucks Deutschland GmbH (les défenderesses) avaient fait l’objet d’une décision de la Commission constatant leur participation à une entente prenant la forme d’une infraction unique et continue contraire à l’article 101 du traité FUE et de l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen portant sur des arrangements collusoires relatifs à la fixation des prix et à l’augmentation des prix bruts des véhicules utilitaires moyens et des poids lourds[10]. Les sociétés AD et a., introduirent un recours devant le Tribunal de Commerce de Barcelone à l’encontre des sociétés Paccar et a. et formulèrent sur le fondement de l’article 283 bis a) du code de procédure civile une demande de production de preuves afin d’obtenir certains moyens de preuve pour quantifier l’augmentation artificielle des prix, notamment pour parvenir à la comparaison des prix recommandés avant, pendant et après la période de l’entente concernée[11]. Cet article transpose textuellement en droit interne l’article 5 de la directive 2014/104/UE. Ce dernier autorise le juge national à ordonner la production des preuves, dans une action en dommages et intérêts sur « la requête d’un demandeur qui a présenté une justification motivée contenant des données factuelles et des preuves raisonnablement disponibles suffisantes pour étayer la plausibilité de sa demande de dommages et intérêts ». En l’espèce, cette demande, selon les sociétés défenderesses, exigeait non pas la production des preuves existantes, mais la création des preuves nouvelles par « une élaboration ad hoc (…) consistant en l’agrégation et en la classification de données selon les paramètres définis par les requérants ». En défense, les sociétés Paccar et a. contestaient l’applicabilité de l’article 5 de la directive à l’injonction de produire en ce que cette demande visait des preuves nouvellement créées (ou ex novo) au lieu des preuves pertinentes et préexistantes se trouvant en leur possession comme le laisserait supposer l’interprétation de la directive. Or, la juridiction nationale considéra qu’une telle interprétation restrictive pourrait compromettre le droit à réparation intégrale du préjudice subi et la finalité de la directive elle-même. Ayant des doutes sur l’interprétation à retenir, le tribunal de commerce espagnole sursit à statuer et adressa à la Cour de justice une question préjudicielle. Par sa question la juridiction de renvoi cherchait à savoir en substance si la production des preuves visait exclusivement les preuves préexistantes en possession de la partie adverse ou également les preuves que cette partie devait créer ex novo « en agrégeant ou en classant des informations, des connaissances ou des données en sa possession »[12]. Pour répondre à la question posée, la Cour de justice estima, tout d’abord, et de manière tout à fait classique, que la question préjudicielle était recevable en ce que son caractère pertinent relevait exclusivement de l’appréciation souveraine de la juridiction de renvoi. Ensuite, la Cour jugea, sans grande surprise, que la production des preuves prévue à l’article 5 de la directive couvrait non seulement les preuves préexistantes, mais aussi enjoignait au défendeur de créer des preuves ex novo à partir des informations en sa possession. Ce faisant, la Cour de justice confirme l’importance du principe de la liberté de la preuve en droit de l’Union européenne. Elle le mobilise au service de l’efficacité de la sanction par la sphère privée en cohérence avec la finalité de la directive. Cette approche libérale de la preuve lui a permis non seulement de déterminer l’applicabilité de l’article 5 de la directive (I), mais aussi de préciser les conditions de sa mise en œuvre concrète (II) pour l’injonction de produire des preuves ex novo sur le seul fondement de la directive.

I. L’applicabilité de l’article 5 de la directive 2014/104/UE

La directive 2014/104/UE vise la mise en place de certaines règles par les Etats membres pour l’exercice d’une action en dommages et intérêts en droit interne. C’est pourquoi le législateur a prévu une règle générale d’applicabilité spécifique dans le temps de la directive y compris pour l’article 5. Toutefois, la Cour de justice va se fonder sur la finalité et le contexte de la directive afin de déterminer non seulement l’applicabilité temporelle (I) mais aussi matérielle (B) de l’article 5 de la directive 2014/104/UE.

A. L’applicabilité temporelle de l’article 5 de la directive 2014/104/UE

La directive 2014/104/UE a une incidence sur le déroulement des procédures judiciaires nationales. Dans ces conditions, son article 22 oblige les Etats membres à ne pas rendre rétroactives ses dispositions substantielles ainsi qu’à ne pas l’appliquer aux recours en dommages et intérêts introduits avant le 26 décembre 2014. Pour la Cour de justice, cette disposition ne fait pas, en l’espèce, obstacle à l’applicabilité temporelle de l’article 5, la production des preuves étant a priori de nature procédurale. Pour justifier cette qualification, la Cour de justice adopte un raisonnement classique mais qui présente une certaine originalité dans la façon d’aborder la preuve en tant que notion procédurale.

En effet, la nature procédurale de la preuve a toujours été considérée comme la justification de l’absence de compétence de l’Union en la matière, cette question relevant davantage de la compétence des Etats. Cela expliquait aussi que la preuve de manière générale et ce, conformément au principe de l’autonomie procédurale, était appréhendée comme un moyen de mise en œuvre ou d’application du droit de l’Union européenne. Selon une jurisprudence déjà bien établie, il revient aux Etats membres de déterminer les modalités procédurales de preuve pour les actions judiciaires nationales impliquant le droit de l’Union européenne. Dès lors, le droit national de la preuve trouve naturellement à s’appliquer devant les juridictions nationales pour les actions en dommages et intérêts pour violation des règles de concurrences, notamment en ce qui concerne les règles relatives à la production des preuves et à leur admissibilité, sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité[13].

La lecture de la directive 2014/104/UE appuyait a priori une telle analyse. L’article 4, faisant explicitement mention aux principes d’effectivité et d’équivalence, reconnaît l’application du droit procédural national. Il est de même de l’article 5 de la directive qui ne définit pas la production des preuves en tant que telle, mais détermine les obligations qui pèsent sur les Etats membres pour permettre aux juridictions nationales d’ordonner utilement une injonction à produire des preuves et de la limiter à ce qui est nécessaire aux besoins de l’action en dommages et intérêts. L’approche procédurale de la preuve conduit en principe à l’application de la technique de renvoi aux droits nationaux pour la détermination des règles régissant la production des preuves au titre de l’article 5 de la directive. Sur ce point, l’applicabilité temporelle de l’article 5 ne posait pas a priori de difficulté particulière.

Or, la Cour de justice ne se place pas sur le terrain de l’articulation de la compétence procédurale des Etats membres en matière de preuve pour retenir l’applicabilité dans le temps de l’article 5. Elle va même s’en affranchir. De manière tout à fait novatrice, dans le silence de la directive, la Cour de justice va déterminer la nature procédurale de la production de preuves visée à l’article 5 non pas en référence aux droits nationaux, mais au regard de la directive elle-même. La Cour de justice se fonde sur l’absence d’un renvoi express au droit national pour justifier l’interprétation de l’article 5 dans le contexte et la finalité de la directive. Analysant le contenu de l’article 5, la Cour de justice souligne que cet article « vise à conférer aux juridictions nationales la possibilité d’enjoindre (…) de produire des preuves pertinentes (…), à doter ces juridictions de pouvoirs particuliers dans le cadre [des] (…) recours en dommages et intérêts »[14] afin « de permettre à la partie demanderesse de compenser le déficit d’information »[15]. Pour la Cour de justice, l’article 5 de la directive prévoit « des mesures procédurales applicables devant les juridictions nationales  (…) et ne porte pas sur les éléments constitutifs de la responsabilité civile extracontractuelle »[16].

Ne renvoyant pas aux droits nationaux pour la détermination de la nature procédurale de la production des preuves, la Cour de justice en fait une notion autonome. La conséquence en est double. Tout d’abord, la Cour de justice confirme que la nature procédurale de la preuve ne fait plus obstacle à ce qu’elle puisse être définie et appréhendée au regard de la directive indépendamment des positions procédurales nationales. Ensuite, cette interprétation permet à la Cour de justice, de manière tout à fait subtile, car il est peu probable que la nature procédurale de la production des preuves soit contestée par les Etats, de déterminer la nature des preuves qui peuvent faire l’objet d’une injonction de produire ordonnée par la juridiction nationale. C’est sur ce point-là qu’il faut mesurer l’apport de l’interprétation autonome de la nature procédurale de l’article 5 en ce qu’elle détermine le caractère autonome de son applicabilité matérielle.

B. L’applicabilité matérielle de l’article 5 de la directive

L’applicabilité matérielle de l’article 5, selon la Cour de justice, dépend de la notion de « preuves » à laquelle se réfère la demande de production de preuves, notamment le caractère préexistant ou non des preuves sollicitées. Cette position de la Cour de justice lie l’article 5 exclusivement aux preuves pouvant faire l’objet d’une injonction de produire. Ainsi, la Cour de justice ne suit pas son Avocat général qui, dans ses conclusions, déterminait l’applicabilité de l’article 5 par rapport à l’introduction ou non d’une action en dommage et intérêts avant d’accepter, eu égard à la finalité de la directive, qu’ « une demande de production de preuves préalable à une demande de dommages et intérêts est (…) également couverte par le champ d’application de la directive »[17].

Suivant la logique de l’interprétation autonome qu’elle avait retenue pour la nature procédurale de l’article 5, la Cour de justice prend en compte le contexte et les objectifs poursuivis par la directive[18] afin de déterminer les éléments pertinents pour la définition de la notion de preuves. Cette façon de procéder permet à la Cour de justice de ne pas se limiter à une interprétation littérale de l’article 5, mais d’adopter une lecture globale de la notion de preuve visée dans la directive. Les dispositions de la directive font davantage état à une diversité de preuves qui sont admissibles. Une lecture séquentielle de l’article 2, des considérants 14, 28 et 39 de la directive conduit la Cour à retenir une acception large de la notion de « preuves » visée à l’article 5. Ce qui compte n’est pas l’existence d’un élément de preuve ou un document en particulier, mais son intégration dans l’opération probatoire dans sa globalité. Le vocable « preuve » renvoie à la fonction de la preuve et non pas à son statut de mode de preuve utilisée à des fins probatoires.

Cette position de la Cour de justice s’explique par le principe de la liberté de la preuve en droit de l’Union européenne, notamment en ce qui concerne la diversité des modes de preuves pouvant être produites à titre probatoire. Elle est aussi en cohérence avec le régime de la preuve écrite et documentaire que la Cour de justice a façonné en matière de concurrence dans les rapports entre les entreprises et la Commission et/ou les autorités nationales compétentes en ce qui concerne l’utilisation de la preuve documentaire non préconstituée à des fins probatoires. Ce régime juridique libéral en droit de la concurrence vise à remédier à la difficulté de preuves pour la sphère publique de prouver l’existence d’une infraction aux articles 101 et 102 du traité FUE. Les autorités nationales et la Commission peuvent utiliser tout document officiel, acte, ou pièces. L’utilisation de la preuve documentaire s’inscrit dans le contexte global de l’opération probatoire qui est constituée par un faisceau d’indices dont elle constitue l’assise textuelle. Pour constituer ce faisceau d’indices, la preuve documentaire repose sur des techniques de preuve, notamment la méthode comparative et empirique pour en interpréter le contenu. La méthode empirique consiste à procéder à une analyse des documents afin de démontrer un résultat, des conséquences d’une pratique prohibée par le droit de l’Union européenne[19]. Elle se base ainsi sur des documents officiels qui peuvent être d’une nature diverse : rapports, études d’impact, tableaux comparatifs, comptes rendus de réunion ou « tous les moyens de preuve admissibles devant la juridiction nationale saisie, en particulier, les documents et tous les autres éléments contenant des informations quel qu’en soit le support »[20]. Ces documents pris isolément ne peuvent pas à eux-seuls constituer une preuve. Leur analyse d’ensemble aboutit néanmoins à établir un rapport de certitude, de probabilité[21]. La preuve documentaire constitue ainsi le fondement nécessaire de cette analyse d’ensemble qui repose sur un raisonnement dont les conclusions sont acceptées en droit de l’Union à titre de preuve. En ce sens, il s’agit d’une preuve empirique[22] dont l’admissibilité est néanmoins conditionnée par la qualité et la quantité des documents sur lesquels celle-ci se fonde.

Il n’est par ailleurs pas étonnant que la Cour de justice transpose en l’espèce, certes de manière implicite, le régime juridique de la preuve documentaire en droit de la concurrence. Cette approche neutralise le caractère préexistant des preuves, ces dernières pouvant résulter « ‘d’éléments de preuve bien précis’ ou de ‘catégories de preuves’ lesquelles devraient être identifiées par référence à des caractéristiques communes de leurs éléments constitutifs, tels que, par exemple, s’agissant de documents, ‘la période durant laquelle ils ont été établis »[23]. Comme le rappelle la Cour de justice, « de telles preuves (…) [sont] comprises de façon générique, pouvant être regroupées (…) en ‘catégories de preuves’ ou ‘porter sur des ‘éléments de preuve’. Autrement dit, l’emploi des termes ‘qui se trouvent en possession’ vise à rendre compte d’une situation de fait à laquelle le législateur de l’Union entend remédier »[24].

Ainsi, en admettant que l’injonction prévue à l’article 5 ne vise pas que des preuves identifiables, mais aussi la création d’une nouvelle preuve par l’agrégation des éléments en possession de la partie défenderesse, la Cour de justice généralise l’utilisation de la méthode empirique pour l’interprétation de la preuve documentaire en droit de la concurrence. Elle transpose ainsi cette possibilité dans les actions en dommages et intérêts et consolide la preuve par faisceau d’indices. La Cour de justice aligne les procédures de sanction des infractions aux articles 101 et 102 du traité FUE par la sphère publique et la sphère privée. Ce faisant, elle conforte l’analyse selon laquelle la production des preuves visée à l’article 5 ne concerne pas l’examen des preuves en vue de déterminer la pertinence d’une action en dommages et intérêts. Sa mise en œuvre concerne les difficultés de preuve que le requérant peut rencontrer pour quantifier le montant de son préjudice.

II. La mise en œuvre de l’article 5 de la directive 2014/104/UE

L’article 5 de la directive vise à remédier à l’asymétrie d’information entre les parties dans une action en réparation, conformément à son objectif de garantir une sanction efficace par la sphère privée concrétisée dans le droit à réparation. Se fondant sur cette finalité, la Cour de justice justifie le caractère équilibré de l’administration de la preuve. Selon la Cour de justice, l’obligation de produire des preuves ex novo (A) qui pèse sur le défendeur est tempérée par l’appréciation souveraine du juge de la pertinence d’ordonner la production des telles preuves (B).

A. Le caractère équilibré de la production des preuves ex novo

L’obligation de produire des preuves ex novo qui pèse sur le défendeur s’explique, au sens de la directive, par les éléments qui sont en la possession de ce dernier et, qui démontrent son comportement anticoncurrentiel, et auxquels l’opérateur économique lésé n’a pas a priori accès. La généralisation de la méthode empirique pour la production de la preuve documentaire conduit néanmoins à considérer qu’il s’agit d’une charge probatoire excessive pour le défendeur. En effet, si la Commission et/ou l’autorité nationale peut recourir à cette méthode pour interpréter la preuve documentaire, elle dispose, à la différence du défendeur, de larges pouvoirs d’investigation et d’analyse des éléments de preuve en les agrégeant[25]. De plus, lorsque l’autorité nationale et/ou la Commission utilise cette méthode probatoire, le contrôle exercé par le juge est très rigoureux en ce qu’il examine la crédibilité et la cohérence de l’analyse retenue[26].

Dans ce contexte, le caractère équilibré de la production des preuves ex novo doit être apprécié à la fois au regard des règles générales du droit de la preuve qui régissent l’administration la preuve et de leur application au contexte spécifique de la directive.

Sur ce point, il convient, tout d’abord, de rappeler que conformément au droit de la preuve, l’administration de la preuve vise les parties dans une instance judicaire. Ces dernières sont tenues par une obligation d’apporter la preuve de leur allégation, plus particulièrement lorsqu’il s’agit des justifier l’action en justice qu’elles introduisent ou dont elles contestent le bien fondé. De cette obligation découle une autre obligation qui leur impose de collaborer à la preuve, soit spontanément, soit à la demande du juge afin que le juge puisse forger sa conviction. Cette obligation de collaborer à la preuve en droit de l’Union européenne trouve son origine dans la reconnaissance du rôle actif du requérant et du défendeur dans l’administration de la preuve. Les relations entre le demandeur et le défendeur sont formalisées dans l’exigence d’une communication des pièces qui constitue un principe fondamental du droit de la preuve en droit de l’Union européenne. La communication des pièces permet de garantir le caractère contradictoire de la procédure devant le juge et concrétise le principe d’égalité des armes. Cette communication des pièces n’a pas la même signification pour le demandeur et le défendeur qui doivent satisfaire à de différentes exigences probatoires : le demandeur doit justifier son action en justice par des preuves pertinentes et le défendeur doit étayer à son tour ses allégations.

En l’espèce, la Cour de justice confirme cela en adoptant une interprétation littérale de l’article 5 en ce qui concerne les obligations probatoires tant du requérant que du défendeur dans une action en dommages et intérêts. Elle rappelle, tout d’abord, que la production des preuves visée à l’article 5 n’a pas pour finalité de remédier à une difficulté de preuve pour le demandeur afin de justifier le bien-fondé de son action en réparation. La production des preuves n’a de sens que pour déterminer le montant de la réparation demandée. Il en résulte ainsi du 1er paragraphe de l’article 5 aux termes duquel le demandeur « ayant étayé la plausibilité de sa demande en dommages et intérêts en présentant des données factuelles et ‘des preuves raisonnablement disponibles’ suffisantes peut obtenir de la juridiction nationale (…) qu’elle enjoigne au défendeur ou à un tiers de produire ‘des preuves pertinentes qui se trouvent en leur possession »[27]. Le défendeur n’est pas le seul visé par une obligation de communiquer des preuves. Sur le fondement du paragraphe 1 de l’article 5, il dispose également d’un droit de demander au juge d’ordonner la production des preuves à l’égard du demandeur.

Cette considération d’ordre général explique le caractère équilibré de la production des preuves visée à l’article 5 de la directive au regard du droit de la preuve. Elle offre aussi une explication cohérente de cette production dans le contexte spécifique de la directive. En l’espèce, ce n’est pas la production des preuves qui est contestée en tant que telle, mais son étendue ainsi que la façon dont le défendeur doit s’y conformer, notamment en procédant à l’analyse ou l’agrégation des informations en sa possession. Pour la Cour de justice, néanmoins, la formulation de l’article 5 est claire. Seul le défendeur est tenu d’une telle obligation de créer une preuve ex novo, compte tenu de sa connaissance des éléments de preuve et compte tenu de la finalité particulière de l’action en réparation. En cela, cette obligation n’est pas déséquilibrée.

Pour la Cour de justice, cet effort probatoire afin de satisfaire l’obligation de communiquer et de collaborer à la preuve n’est ni excessif ni disproportionné. En effet, toute production des preuves engendre un coût pour la partie concernée, notamment par la « transmission de supports physiques en particulier de documents en la possession du défendeur »[28]. Ce coût, selon la Cour de justice, peut résulter de l’opération de créer une preuve ex novo. Cela se justifie par la particularité de l’action en dommage et intérêts et l’objet de la production des preuves. En effet, cette dernière ne vise pas l’établissement d’une infraction aux règles de concurrence, celle-ci étant en l’espèce et par principe démontrée. Elle ne porte pas non plus atteinte au droit au silence reconnu aux entreprises dans une procédure engagée par la sphère publique ni à la présomption d’innocence et ne conduit pas en principe le défendeur à témoigner contre soi-même. La question peut néanmoins se poser lorsque l’action en dommages et intérêts est intentée alors qu’aucune décision de constatation d’infraction aux règles de concurrence par la Commission ou l’autorité nationale n’est adoptée. La configuration, dans ce cas, sera sensiblement différente au regard de la production des preuves sollicitée. Dans cette dernière hypothèse, il s’agira de démontrer le fondement même du droit à réparation : l’existence d’une infraction et le lien avec le préjudice invoqué par l’opérateur privé lésé.

Si la Cour de justice confirme l’obligation pour le défendeur de produire une preuve ex novo au sens de l’article 5, elle ne qualifie pas cette obligation de systématique et d’absolue. Il s’agit d’une modalité d’administration de la preuve qu’il revient au juge de décider d’ordonner.

B. L’appréciation souveraine du juge de la pertinence d’ordonner la production des preuves ex novo

La décision de recourir à une mesure d’instruction est une prérogative exclusive du juge que celui-ci utilise lorsqu’une difficulté de preuve se présente. Les éléments ayant conduit à la constatation de la participation à une infraction aux règles de concurrence sont généralement connus et détenus par le défendeur, le demandeur en tant qu’opérateur lésé n’y ayant pas accès.

D’ailleurs, la formulation de l’article 5 confirme la faculté pour la juridiction nationale : « Les États membres veillent à ce que les juridictions nationales puissent ordonner la production de certains éléments de preuves ou de catégories pertinentes de preuves, circonscrites de manière aussi précise et étroite que possible, sur la base de données factuelles raisonnablement disponibles dans la justification motivée »[29]. Or, la possibilité même d’ordonner des mesures d’instruction rompt l’égalité entre les parties dans le procès puisqu’une telle mesure va en principe profiter soit au demandeur, soit au défendeur. De plus, elle ne doit pas avoir pour effet d’alléger inutilement l’effort probatoire de la partie qui les sollicite et, partant, avoir pour conséquence la généralisation des mesures d’instruction en dépit des obligations qui découlent de l’administration partagée de la preuve. L’utilité d’une mesure d’instruction dépend donc de l’appréciation souveraine du juge qui doit prendre en considération les intérêts en présence dans le but d’un bon déroulement du procès que l’article 5 de la directive met en exergue. En l’espèce, la Cour de justice confirme aussi cela. Se fondant sur l’appréciation souveraine du juge, elle justifie à la fois la preuve ex novo comme une mesure d’instruction possible et l’obligation qui pèse au juge de veiller au caractère équilibré de l’administration de la preuve dans l’action en réparation[30].

Le contrôle juridictionnel qu’exerce le juge national au titre de la production des preuves intervient en amont. Il vise, tout d’abord, à vérifier la pertinence de la production des preuves au regard des allégations du demandeur. Ainsi, la Cour de justice confirme de manière tout à fait classique que l’analyse de la pertinence des preuves et des allégations du demandeur dans le cadre de l’article 5 est une question relevant de l’appréciation au fond et qui est à destination du juge. Ainsi, le défendeur n’est pas tenu de déterminer le caractère pertinent ou non de l’agrégation des informations sollicitées par le demandeur pour la constitution de la preuve ex novo. De même, les exigences de constitution de la preuve ex novo avancées par le demandeur ne lient pas le juge qui peut les moduler, voire les modifier compte tenu de la nécessité pour la détermination du montant du préjudicie subi. Dans ce contexte, l’examen de la pertinence des preuves avancées par le demandeur permet au juge de vérifier le caractère sérieux de la demande d’action en réparation et la difficulté d’accéder à des preuves pour quantifier le montant de son préjudice.

L’examen de la pertinence est une question qui implique, ensuite, une appréciation des preuves au regard de l’action en justice intentée et de son objet. En ce sens, la pertinence des preuves dépend de la pertinence des allégations. Elle dépend aussi de la capacité des preuves avancées à les établir et, le cas échéant, à justifier la production de preuves complémentaires, voire nouvelles pour remédier à une éventuelle difficulté. Sur ce point, il n’est pas inutile de rappeler que tant le juge de l’Union que l’article 5 de la directive en matière de concurrence n’exigent pas de preuves parfaites. Comme le rappelle aussi l’article 5, le demandeur doit étayer la plausibilité de ses allégations par « des données factuelles et des preuves raisonnablement disponibles suffisantes ».

La liberté de la preuve oblige le juge à s’intéresser à tous les éléments de preuve avancés par le demandeur et à les prendre en compte qu’il s’agisse ou non d’une preuve directe ou indirecte. Le recours à des preuves indirectes ou par présomption, s’il est possible, n’est pas la règle dans le droit de l’Union. Ces mode de preuve remédient à des difficulté d’accéder à une preuve[31]. Par conséquent, le juge, tout en les considérant comme pertinentes, procède à un examen plus rigoureux, non pas de leur lien avec le fait à prouver, mais au regard de leur force probante[32]. L’examen de la preuve indirecte consiste à déterminer si cette dernière est suffisamment précise, concluante et concordante et si elle est corroborée par des indices sérieux pouvant raisonnablement présumer la nécessité d’ordonner la production d’une preuve ex novo. Le contrôle préalable qu’exercera le juge national au titre de la pertinence des preuves avancées constitue une garantie du caractère équilibrée de l’obligation de produire des preuves ex novo au titre de l’article 5. Ce caractère est également garanti par le principe de proportionnalité dont le juge national doit tenir compte lorsqu’il enjoint la production d’une preuve ex novo, conformément aux conditions prévues à l’article 5 de la directive.

Au titre du principe de proportionnalité, le juge national se trouve dans l’obligation de rechercher une conciliation entre les intérêts en présence et ce, parce que l’exigence d’un procès juste et équitable lui impose. En effet, l’importance des garanties accordées au titre d’un procès juste et équitable a conduit le juge de l’Union à en déterminer les limites, notamment lorsqu’il s’agit de la production d’une preuve ex novo, comme c’est le cas en l’espèce, et la divulgation des données à caractère confidentiel[33] ou celles couvertes par le secret professionnel. Ainsi, la Cour de justice juge, en l’espèce, que la production des preuves doit être mise en balance avec les intérêts du défendeur conformément à l’article 5 de la directive. Le juge est dans l’obligation de l’examiner au cas par cas, en tenant compte de la particularité de chaque affaire, de son cadre factuel et des rapports existant entre les parties. Une décision de produire des preuves est une décision qui ne doit rester qu’exceptionnelle, eu égard aux conséquences que celle-ci peut représenter pour l’une des parties et pour le juge dans sa fonction de juris dictio.

La possibilité dont dispose le juge de mettre en balance les intérêts en présence avant d’ordonner une production des preuves participe également à la protection des droits fondamentaux du défendeur. La mise en balance des intérêts impose au juge, avant d’enjoindre la production des preuves, de déterminer si ces preuves peuvent, toutefois, raisonnablement être communiquées sans porter atteinte au caractère confidentiel des données et aux intérêts couverts par le secret professionnel du défendeur tenu de communiquer. Il en est ainsi car le caractère confidentiel des preuves ou celles couvertes par le secret professionnel sont par principe des preuves qui peuvent être exclues du débat judiciaire à la demande de la partie qui est tenue de les communiquer. Par l’effacement des données, lequel permet de préserver le substrat de la confidentialité, le juge peut trancher le litige en s’appuyant sur les éléments communiqués. À défaut, le juge, eu égard au respect du contradictoire, est tenu de statuer après élimination des pièces couvertes par la protection invoquée[34]. L’exigence du respect du contradictoire trouve sa justification dans le caractère attentatoire de l’exclusion des preuves à la liberté des parties dans la définition de l’objet du litige. Cette exigence est respectée, puisque les parties sont en principe invitées à présenter leurs observations.

Sur ce point, l’article 5 de la directive va dans le sens de la position de la Cour de justice qui oblige la partie concernée à communiquer ce type de preuve au juge national qui reste le seul à décider de leur exclusion du débat judiciaire et, par conséquent, à ne pas les adresser au demandeur et ce, de manière exceptionnelle au regard du principe de contradictoire. Or, si la protection des informations confidentielles et couvertes par le secret professionnel, cette protection ne doit pas avoir pour conséquence de remettre en cause l’exigence d’une concurrence libre et non faussée en compromettant l’exercice efficace du droit à la réparation, notamment par l’impossibilité de déterminer concrètement le montant du préjudice subi. La conciliation entre ces deux objectifs revient au juge national qui, dans le cadre d’un recours, doit disposer de toutes les informations, y compris confidentielles, pour décider si les preuves sollicitées sont nécessaires et pertinentes au regard non seulement de l’action en réparation, mais aussi au regard de la finalité même de la directive 2014/104/UE.

Si cette solution peut se comprendre en l’état actuel de la jurisprudence du juge de l’Union, elle soulève, comme le remarque également le professeur De Béchillon, des réserves quant à sa compatibilité au regard des exigences d’un procès juste et équitable posées par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, non seulement en ce qui concerne le principe de la contradiction des preuves[35], mais aussi en ce qui concerne l’impartialité et la neutralité du juge[36] ayant pris connaissance des informations couvertes par la confidentialité ou par le secret professionnel. La solution est résolument circulaire : « on le voit, c’est la simple invocation du mot « secret des affaires » qui installe le juge en situation structurelle de porter atteinte à l’égalité des armes : c’est le cas s’il renonce à son office et n’exerce aucun contrôle ni tri sur la validité de la mise d’une donnée sous la protection du secret ; c’est le cas s’il exerce son contrôle et accède à la demande de la partie intéressée ; c’est le cas s’il exerce son contrôle et refuse d’accéder à cette demande dès lors que, comme ce sera très souvent son intérêt tactique, cette dernière préférera ne pas dévoiler la donnée en cause et en laisser, discrète mais bien présente, l’empreinte subliminale dans l’esprit de la juridiction »[37].

L’on saisit bien la difficulté pour le juge dans l’exercice de son office qui tend à la fois à protéger un intérêt jugé légitime, à veiller au respect du caractère équitable de la procédure et garantir, dans la mesure du possible, le principe de la contradiction des preuves. Cette difficulté soulève une observation complémentaire. Dans l’injonction de produire des preuves, le respect du caractère équitable de la procédure s’impose au juge dans la protection qu’il entend accorder à l’une des parties dès lors que celle-ci est susceptible de porter atteinte aux principes classiques du procès et ne pas négliger la finalité de l’action en dommages et intérêts : la sanction efficace de la violation des règles de concurrence. Sans doute, l’application de l’article 47 de la Charte à l’action en dommages et intérêts permettra-t-elle par la même occasion de nuancer la recherche constante de l’efficacité de la sanction des infractions aux règles de concurrence par la sphère privée et la concilier avec le caractère confidentiel et secret des preuves communiquées.

 

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Abstract

The obligation to produce ex novo evidence is justified by the effectiveness of private enforcement of competition law infringements. The Court of Justice takes the opportunity to recall the principle of freedom of evidence and the role of the judge in assessing the relevance of the production of evidence. The national jurisdiction is required to exercise strict judicial review and to balance the various interests in order to preserve the balanced nature of the evidence in actions for damages.

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[1] Nous remercions M. Cassart de l’autorisation à publier ce commentaire en version numérique pour la revue « Evropeiski praven pregled ». Sur sa version papier, RAE-LEA, 2022, n° 4.

[2] Maître de conférences HDR, Université de Lorraine, Membre de l’IRENEE –ULR 7303.

[3] V. par exemple, article 7 du règlement n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, JO n° L 1 du 4 janvier 2003.

[4] Ch.-E. Gudin, « Réflexions sur la définition et la preuve de l’entente en droit communautaire (jusqu’où peut-on faciliter la preuve de l’entente compte tenu de l’exigence de sécurité juridique des entreprises?) », RAE, 1996, p. 118 et s.

[5] JO n° L 1 du 4 janvier 2003, p. 1. Ce texte constitue ainsi une révolution procédurale. L. Idot, « Le nouveau système communautaire de mise en œuvre des articles 81 et 82 CE (règlement 1/2003 et projets de texte d’application) », CDE, 2003, p. 285 ; V. pour un bilan de l’application du règlement, L. Idot, C. Prieto (dir.), Les entreprises face au nouveau droit des pratiques anticoncurrentielles –Le règlement 1/2003 modifie-t-il les stratégies contentieuses ?, Bruxelles, Bruylant, 2006. Une partie de la doctrine considère néanmoins que cet article ne s’applique pas en ce qui concerne les concentrations, É. Barbier De La Serre, A.-L. Sibony, « Charge de la preuve et théorie du contrôle en droit communautaire de la concurrence : pour un changement de perspective », RTDE, 2007, p. 221 et s. Pour une présentation plus nuancé de cette position doctrinale, V. d’E. Paulis, « The burden of proof in article 82 cases », disponible sur http://ec.europa.eu/comm/competition/speeches/text/sp2006_014-en.pdf.

[6] V. notre étude, La preuve dans le droit de l’Union européenne, Bruxelles, Bruylant, coll. Droit de l’Union européenne-thèse, 2013.

[7] JO n° L 349, du 5 décembre 2014, p. 1-19.

[8] V. CJUE, 28 mai 2019, Sport TV Portugal SA et al., C-637/17: ECLI:EU:C:2019:263.

[9] V. la question préjudicielle pendante actuellement devant la Cour de justice dans l’affaire C-57/21.

[10] Point 18 de l’arrêt.

[11] Point 20 de l’arrêt.

[12] Point 26 de l’arrêt.

[13] CJCE, 1er décembre 1998, B.S. Levez, C-326/96, ECLI:EU:C:1998:577, point 39 ; CJCE, 10 juillet 1997, Rosalba Palmisani, aff. C-261/95, ECLI:EU:C:1997:351, point 33.

[14] Points 31 et 32 de l’arrêt.

[15] Point 33 de l’arrêt.

[16] Point 33 de l’arrêt.

[17] Point 50 des conclusions de l’Avocat général Szpunar sous l’affaire C-163/21, présentées le 7 avril 2022, ECLI:EU:C:2022:286.

[18] Point 38 de l’arrêt.

[19] V. notre étude, La preuve dans le droit de l’Union européenne, op. cit.

[20] Article 2, point 13 de la directive 2014/104/UE.

[21] L. Vogel, « Définition et preuve de l’entente en droit français de la concurrence. Étude de la jurisprudence récente », JCP éd. E, 1991, p. 494.

[22] La notion de « preuves empiriques » a été à plusieurs fois utilisée par le juge de l’Union pour qualifier le faisceau d’indices sur lequel la Commission s’est fondée pour déterminer l’effet anticoncurrentiel d’une concentration V. TPICE, 14 décembre 2005, General Electric Company c. Commission, T-210/01, ECLI:EU:T:2005:456. En l’espèce, le Tribunal avait estimé la Commission avait établi à suffisance de droit sur les éléments de preuve empiriques, qui incluaient notamment une analyse économique des marchés concernés et des comportements, que la concentration présentait un effet anticoncurrentiel.

[23] Point 48.

[24] Point 49 de l’arrêt.

[25] V. l’article 6 de la directive.

[26] V. par exemple, le développement de la technique de standard de preuve en droit de la concurrence qui reflète l’utilisation des preuves suffisamment concordantes et plausibles afin d’établir l’infraction concurrentielle à suffisante de droit. V. sur ce point, notre étude La preuve dans le droit de l’Union européenne, op. cit., p. 594.

[27] V. point 43de l’arrêt.

[28] Point 53 de l’arrêt.

[29] Nous soulignons.

[30] V. également les conditions énoncées à l’article 5, paragraphe 3 de la directive : « Les États membres veillent à ce que les juridictions nationales limitent la production des preuves à ce qui est proportionné. Lorsqu’elles déterminent si une demande de production de preuves soumise par une partie est proportionnée, les juridictions nationales tiennent compte des intérêts légitimes de l’ensemble des parties et tiers concernés. En particulier, elles prennent en considération: a) la mesure dans laquelle la demande ou la défense sont étayées par des données factuelles et des preuves disponibles justifiant la demande de production de preuves ; b) l’étendue et le coût de la production de preuves, en particulier pour les éventuels tiers concernés, y compris afin d’éviter toute recherche non spécifique d’informations dont il est peu probable qu’elles soient pertinentes pour les parties à la procédure; c) la possibilité que les preuves dont on demande la production contiennent des informations confidentielles, en particulier concernant d’éventuels tiers, et les modalités existantes de protection de ces informations confidentielles ».

[31] J. M. Joshua, « Proof in contested EEC competition cases: a comparison with the rules of evidence in common law », op. cit., p. 318; M. M. Collins, «The burden and the standard of proof in competition litigation and problems of judicial evaluation», ERA-forum, 2004, p. 67.

[32] D. Bailey, « Standard of proof in EC merger proceedings: a common law perspective », CML Rev., 2003, p. 855; Bo Vesterdorf, « Standard of proof in merger cases: reflections in the light of recent case law of the Community Courts », ECJ, 2005, p. 19.

[33] V. aussi dans ce sens, les conditions énoncées à l’article 5, paragraphes 4 et 6 de la directive : « 4. Les États membres veillent à ce que les juridictions nationales soient habilitées à ordonner la production de preuves contenant des informations confidentielles lorsqu’elles le jugent utile dans le cadre de l’action en dommages et intérêts. Lorsque la production de telles informations est ordonnée, les États membres veillent à ce que les juridictions nationales disposent de mesures efficaces de protection de ces informations. (…) 6. Les États membres veillent à ce que, lorsqu’elles ordonnent la production de preuves, les juridictions nationales donnent plein effet au secret professionnel applicable en vertu du droit de l’Union ou du droit national ».

[34] F. Picod, « La transparence dans les procédures juridictionnelles », in J. Rideau (dir.), La transparence dans l’Union européenne : mythe ou principe juridique ?, Paris, LGDJ, 1999, p. 155.

[35] Cour EDH, 31 octobre 2006, Aksoy (Eroglu) c. Turquie, § 22 cité par D. De Béchillon, « Principe de contradictoire et protection du secret des affaires. Pladoyer pour le maintien de la jurisprudence en vigueur », RFDA, 2011.

[36] Cour EDH, 24 juillet 2007, Baumet c. France. Cette solution peut conduire les juridictions nationales à modifier leur jurisprudence résolument plus nuancée à l’égard de la protection du secret d’affaires et à les obliger à sortir de leur réserve et prudence quant à la préservation du caractère équitable de la procédure devant elles. V. Sur ce point, D. De Béchillon, « Principe de contradictoire et protection du secret des affaires. Pladoyer pour le maintien de la jurisprudence en vigueur », op. cit., p. 1113. Aussi l’ouvrage, M. Fartunova-Michel, M.-O. Peyroux-Sissoko, M. Rota (dir.), Transparence et fonction juridictionnelle, Paris, Varenne, 2013.

[37] D. De Béchillon, « Principe de contradictoire et protection du secret des affaires. Pladoyer pour le maintien de la jurisprudence en vigueur », op. cit., p. 1121.

Доц. д-р Мария Фъртунова-Mишел

Доцeнт в Université de Lorraine, Nancy и Centre Européen Universitaire, Nancy.