LES DROITS FONDAMENTAUX DANS LE CADRE DE L’EXECUTION D’UN MANDAT D’ARRET EUROPEEN

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Arrêt de la cour (grande chambre) du 29 janvier 2013,  affaire C‑396/11, Radu

Radostina Stefanova-Kamisheva[1]

 

Saisie d’une demande de décision préjudicielle, la Cour de justice de l’Union européenne (la Cour) a rendu le 29 janvier 2013 son arrêt dans l’affaire Radu (C-396/11) portant sur la problématique de l’exécution des mandats d’arrêt européens à la lumière de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (la Charte) et de la Convention européenne des droits de l’Homme (la Convention).

L’analyse de cet arrêt commence par quelques interrogations dont les réponses seront recherchées tout au long de l’exposé. Ensuite, le cadre juridique, les faits du litige au principal, les conclusions de l’Avocat Général (AG), l’arrêt de la Cour sont consécutivement présentés. Une lecture critique de l’arrêt est enfin proposée tout en recherchant l’équilibre entre les mécanismes de reconnaissance mutuelle et les droits fondamentaux.

Dans le litige au principal,M. Radu, personne recherchée dans le cadre de quatre mandats d’arrêt européens en Allemagne aux fins de l’exercice de poursuites pénales pour des faits correspondant à l’infraction de vol avec violence, n’a pas consenti à sa remise. L’autorité judiciaire d’exécution, la Cour d’appel de Constanza (Roumanie) avait ordonné l’exécution de trois des quatre mandats d’arrêts le 5 juin 2009, avant que l’accusé ne forme un pourvoi devant la Haute Cour de cassation et de justice de Roumanie, qui de son coté a renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel. Devant cette dernière, M. Radu a soutenu que la décision-cadre 2002/584 relative au mandat d’arrêt européen devait être interprétée en conformité avec la Charte et la Convention. La Cour d’appel a décidé de surseoir à statuer et de déférer à la Cour six questions préjudicielles.

L’AG E.Sharpston, propose une analyse approfondie de chacune des questions posée. Elle avance des solutions protectrices des droits fondamentaux de la personne recherchée. D’après l’AG « les autorités judiciaires d’un État membre d’exécution sont tenues de respecter les droits fondamentaux énoncés dans la Convention et dans la Charte lorsqu’elles examinent la question de savoir s’il convient d’exécuter un mandat d’arrêt européen»  (p. 73). Mais le refus d’exécution d’un mandat d’arrêt européen ne doit se faire que dans des circonstances exceptionnelles dans le cas où « les défaillances du procès soient telles qu’elles réduisent à néant son caractère équitable» (p.83)

Sans suivre la structure des questions préjudicielles posées, non plus que les réflexions de son Avocat Général, la Cour répond en examinant les quatre premières, ainsi que la sixième question ensemble. Elle donne une réponse négative à la question de savoir si la décision-cadre 2002/584, lue à la lumière des articles 47 et 48 de la Charte ainsi que de l’article 6 de la Convention, devait être interprétée en ce sens que les autorités judicaires d’exécution pouvaient refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen émis aux fins de l’exercice de poursuites pénales, au motif que les autorités judiciaires d’émission n’avaient pas entendu la personne recherchée avant la délivrance de ce mandat d’arrêt.

Dans un sens plus large, l’article aborde les questions suivantes :

  • Quelle est la place des droits fondamentaux dans les mécanismes de reconnaissance mutuelle dans un Espace de Liberté Sécurité et Justice ? et
  • Peut-on présumer un respect suffisant des droits fondamentaux de l’homme par chacun des États membres de l’Union européenne?

Le principe de reconnaissance mutuelle occupe une place centrale dans le texte de la décision-cade et exige une confiance élevée entre les Étatsmembres. Cette confiance est cruciale pour le développement de l’Espace de Liberté, de Sécurité et de Justice. La Cour se montre particulièrement préoccupée de minimiser le risque d’érosion de la confiance entre les États membres et d’éviter un effet domino sur le principe de la reconnaissance mutuelle.

Toutefois, il me semble que cet arrêt ne devrait pas être interprété comme un obstacle pour les juridictions nationales d’examiner et d’accepter les défaillances du procès, telles qu’elles réduisent à néant son caractère équitable, en tant que motif pour refuser l’exécution d’un mandat d’arrêt européen.

Les juridictions nationales sont donc chargées d’assurer la balance entre le principe de reconnaissance mutuelle et la protection des droits de l’homme.

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[1] Maître de droit de l’UE, coordinateur de programme à l’Institut national de justice; il est présenté l’opinion personnel de l’auteur