L’ENCADREMENT DE L’ACTION DU LÉGISLATEUR NATIONAL EN MATIÈRE DE FISCALITÉ DIRECTE PAR LA JURISPRUDENCE DE LA CJUE

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Jean-Philippe Christienne[1]

 

  1. L’Union européenne ne possède qu’une compétence indirecte en matière de fiscalité directe : cette dernière relève, en effet, avant tout, des compétences retenues par les États membres, au titre des pouvoirs régaliens dont l’impôt est le symbole par excellence. Toutefois, reconnaître la compétence des États membres ne signifie pas pour autant que ces derniers soient totalement libres dans l’exercice de ladite compétence.
  1. D’abord, ces États sont convenus, dans le cadre de l’Union, de faciliter la coopération entre leurs autorités fiscales respectives en matière de fiscalité directe. Ce fut le cas, dès la fin des années 1970, avec l’adoption de la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs[2]. Cette démarche sera approfondie à compter du 1er janvier 2013, date à laquelle les États membres devront avoir transposé la directive 2011/16/UE du Conseil, du 15 février 2011, relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE[3]. Il doit être remarqué que cette nouvelle directive prévoit un système organisationnel semblable à celui adopté s’agissant de la coopération en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA)[4] et d’accises[5], ce qui dénote la volonté des États membres de poser les premiers jalons d’une compétence de l’Union en matière de fiscalité directe.
  1. Ensuite, doivent être mentionnées les limites posées à la compétence des États membres tenant à l’interprétation des droits primaire et dérivé, en tant qu’ils concernent les libertés de circulation, de séjour et d’établissement. C’est en ce sens que le Pr K. Lenaerts a pu parler de « l’encadrement » de la législation nationale relative à la fiscalité directe par l’Union européenne[6].
  1. Plus précisément, c’est à la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), devenue Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qu’il est revenu, au fil de sa jurisprudence, d’indiquer en quoi, dans ce domaine si délicat, car si lié à la question de la souveraineté de l’État, certaines règles de l’Union européenne devaient être respectées par tout législateur national. Deux types de procédures, le recours en manquement et le renvoi préjudiciel, ont permis à la CJUE de résoudre les potentielles discordances entre les législations nationales et le droit de l’Union, lesquelles peuvent tout aussi bien concerner le domaine des aides d’État, qui ne sera pas abordé dans le cadre du présent article, que les libertés reconnues par les traités, mais aussi par le droit dérivé, aux personnes physiques et morales.
  1. Lesdites libertés seront examinées, en premier lieu, en ce qu’elles concernent les personnes physiques (II), puis, en second lieu, en tant qu’elles portent sur les personnes morales (III), après qu’auront été rappelés un certain nombre de grands principes caractérisant la jurisprudence en la matière (I).

I. Les grands principes caractérisant le traitement de la fiscalité directe.

  1. Le traitement de la fiscalité directe par le droit de l’Union européenne est illustré par un triptyque : tout d’abord, le principe de base est celui de la compétence des États membres pour légiférer en matière de fiscalité directe ; ensuite, dans l’exercice de cette action législative ou réglementaire, certaines normes s’imposent néanmoins à l’État membre, venant encadrer l’exercice de sa compétence ; enfin, c’est essentiellement par l’intermédiaire du principe d’égalité de traitement que le respect de ces normes est contrôlé par la CJUE.

A. La reconnaissance de la compétence nationale en matière de fiscalité directe.

  1. À ce jour, la fiscalité directe relève bien de la compétence des États membres, ce que la Cour admet sans réserve dans le cadre d’une jurisprudence constante selon laquelle, « en l’état actuel du droit de l’Union, la matière des impôts directs ne relève pas, en tant que telle, du domaine de la compétence de celle-ci »[7]. Il appartient donc bien aux États membres de délimiter leur souveraineté fiscale, soit de manière unilatérale, en adoptant des dispositions internes, soit de manière bilatérale, en adoptant des conventions fiscales, par exemple en matière de prévention des doubles impositions, le droit de l’Union ne remettant nullement en cause cette délimitation des compétences retenues par les États membres.
  1. Le corollaire de cette compétence est que, tant que la législation nationale n’affecte pas les normes de droit de l’Union, par exemple celles relatives à la libre circulation des personnes, à leur séjour ou à leur établissement sur le territoire d’un autre État membre, la situation demeure purement interne[8].

B. L’encadrement de la compétence nationale en matière de fiscalité directe.

  1. Rappelant le principe de la compétence nationale en matière de fiscalité directe, le juge de l’Union vient tout aussitôt en fixer la limite, indiquant que les États membres doivent l’exercer « dans le respect du droit de l’Union »[9] : la Cour encadre ainsi l’exercice par les États membres de leurs compétences en matière de fiscalité directe. Soulignons, pour autant que de besoin, que l’on retrouve un tel encadrement en d’autres matières que la matière fiscale, comme en matière de sécurité sociale ou de soins de santé.
  1. Le droit de l’Union est, pour ce qui nous intéresse, avant tout composé du droit primaire, c’est-à-dire des libertés de circulation, d’établissement et de séjour garanties dans le traité sur l’Union européenne (TUE) et le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Il comprend également le droit dérivé, en particulier la directive 2004/38/CE[10]. En tant qu’il concerne une matière conservée par les États membres, le droit de l’Union génère des interdictions — ou obligations de ne pas faire, c’est-à-dire qu’il procède pour l’essentiel d’une « intégration négative ».
  1. L’approche de la CJUE reflète, dans cet esprit, sa jurisprudence en matière de libertés de circulation, d’établissement et de séjour, tous secteurs confondus, libertés qui sont abordées à travers le critère de l’égalité de traitement.

C. L’égalité de traitement en matière de fiscalité directe.

  1. Principe général du droit de l’Union, le principe d’égalité de traitement trouve à s’illustrer à chaque fois que sont en cause les libertés de circulation, d’établissement et de séjour, dès lors que la situation du citoyen de l’Union ou de la personne morale sise dans un État membre exerçant lesdites libertés est nécessairement comparée à celle de la personne physique ou morale relevant du droit national en cause. En vertu de la primauté du droit de l’Union, le phénomène d’intégration négative va donc jouer à plein et se traduire, schématiquement, par deux principes.
  1. D’une part, dès lors qu’une situation est régie par le droit de l’Union, la personne physique ou morale relevant d’un autre État membre ne peut faire l’objet d’un traitement fiscal distinct de celui dont bénéficient les nationaux concernés. Autrement dit, le droit de l’Union s’oppose aux discriminations en raison de la nationalité, à l’entrée. Ce principe du traitement national interdit également les discriminations dissimulées qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent, de facto, au même résultat qu’une discrimination fondée directement sur la nationalité.
  1. D’autre part, la réalisation du marché intérieur interdit toute entrave fiscale à l’exercice d’une liberté de circulation, à la sortie.
  1. Cette interdiction de principe des discriminations et des entraves vaut pour chacune des libertés de circulation, et pour celles d’établissement et de séjour. Elle admet toutefois certains tempéraments. L’égalité de traitement s’applique tant aux libertés concernant les personnes physiques qu’à celles applicables aux personnes morales.

II. Les libertés bénéficiant aux personnes physiques, limite à la compétence du législateur national en matière de fiscalité directe.

  1. Il convient ici de distinguer selon qu’est en cause la liberté générale de libre circulation et de séjour, s’attachant à la qualité de citoyen de l’Union, ou l’une des libertés spécifiques reconnues par le TFUE.

A. La liberté générale de libre circulation et de séjour.

  1. À l’occasion de son arrêt Turpeinen[11], la CJCE avait déjà mis en exergue le fait que « le statut de citoyen de l’Union a[vait] vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres »[12], leur permettant, lorsqu’ils se trouvaient dans la même situation, d’obtenir le même traitement juridique. Dans l’arrêt Аладжов[13], la CJUE a précisé que ce statut permettait à une personne physique de « se prévaloir, y compris à l’égard de son État membre d’origine, des droits [y] afférents […], notamment du droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres tel que conféré par l’article 21 TFUE »[14]. Non seulement, en effet, le droit de libre circulation comprend-il celui d’entrer dans un autre État membre que son propre État, mais aussi le droit « corrélatif de quitter ce dernier »[15].
  1. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Turpeinen, précité, une retraitée finlandaise résidant en Espagne après avoir effectué toute sa carrière en Finlande, et dont le seul revenu était sa pension finlandaise, imposable dans l’État de la source en vertu de la convention fiscale hispano-finlandaise de prévention des doubles impositions, a pu se prévaloir du statut de citoyen de l’Union contre son État d’origine, dont la législation la soumettait à un régime d’assujettissement partiel tenant compte de sa situation de non-résident, pour bénéficier du même régime d’impôt sur le revenu que celui qui aurait été applicable à sa pension de retraite si elle n’avait pas quitté la Finlande.
  1. Les principes associés au statut de citoyen de l’Union, à savoir la garantie d’un même traitement juridique dans l’exercice de sa liberté de circuler et de séjourner, ont donc également vocation à s’appliquer en matière de fiscalité directe : ils s’opposent à une législation nationale selon laquelle l’impôt sur le revenu relatif à la pension de retraite d’un non-résident est plus élevé que celui des résidents, pour autant toutefois, que le contribuable tire la totalité ou la quasi-totalité de ses revenus de sa pension de retraite.
  1. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Аладжов, précité, la question se posait de savoir si un ressortissant bulgare, qui était l’un des gérants d’une société dont la dette fiscale n’avait pas été acquittée, pouvait se voir interdire de quitter le territoire de son propre État, la Bulgarie. Après avoir rappelé, comme on l’a vu, les libertés s’attachant au statut de citoyen de l’Union, la CJUE a examiné les limites dont pouvait être assorti l’exercice de ces libertés, qu’elles fussent prévues par le traité ou par les « dispositions prises pour son application »[16]. À cet égard, il convient de préciser que, s’il est exact que les dettes fiscales portaient, en l’espèce, sur la TVA et les droits de douane, la problématique juridique aurait été exactement la même si ces dettes avaient porté, par exemple, sur l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés…
  1. Au nombre de ces limites figurent celles résultant de l’article 27, paragraphes 1 et 2, de la directive 2004/38, comprenant les « raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique », ces raisons ne pouvant « être invoquées à des fins économiques ». Or, si le droit bulgare reconnaît, d’abord et avant tout, le principe de libre circulation, puisque l’article 23, paragraphe 2, de la loi sur les papiers d’identité bulgares prévoit le droit de tout ressortissant bulgare de quitter le pays avec une carte d’identité et d’y rentrer avec celle-ci, le paragraphe 3 de ce même article 23 prévoit, toutefois, la possibilité d’apporter des limites à ce droit, notamment pour des raisons d’ordre public. L’article 75, paragraphe 5, de ladite loi prévoit un tel motif pour des raisons fiscales, et renvoie sur ce point au code de procédure fiscale et des assurances sociales, dont l’article 182, paragraphes 2 et 4, et l’article 221, paragraphe 6, prévoient, en effet, la possibilité d’interdire au débiteur de quitter le pays si le montant de sa dette excède5 000 лв.
  1. Répondre à la question posée par l’Административен съд София-град de l’éventuelle contrariété d’une législation telle que la législation bulgare avec la directive 2004/38 supposait donc, d’abord, de déterminer si un tel motif de refus de sortie du territoire d’un État membre relevait bien de l’ordre public et, ensuite, si les mesures prises, premièrement, respectaient le principe de proportionnalité, deuxièmement, étaient exclusivement fondées « sur le comportement personnel de l’individu concerné » et, troisièmement, prenaient en compte « une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société », à l’exclusion de « fins économiques ».
  1. Après avoir souligné l’effet direct de l’article 27 de la directive 2004/38, en raison de son caractère inconditionnel et suffisamment précis, la CJUE a rappelé que, en tant que dérogation au principe fondamental de la libre circulation des personnes, l’exception tirée des exigences de l’ordre public devait être entendue strictement[17]. Suivant les conclusions de son avocat général, M. Paolo Mengozzi[18], la CJUE a admis, d’une part, que l’on ne pouvait exclure, par principe, « que le non-recouvrement de créances fiscales puisse relever »[19] desdites exigences, à la condition expresse, toutefois, qu’existât une « menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société et tenant, par exemple, à l’importance des sommes en jeu ou aux nécessités de la lutte contre la fraude fiscale »[20]. D’autre part, à l’instar de l’avocat général, qui avait indiqué sa préférence pour l’interprétation selon laquelle, « eu égard à la nature tout à fait particulière du créancier, en l’occurrence, et à la destination de l’impôt »[21], pouvaient être considérés comme poursuivis par l’État membre des intérêts supérieurs autres qu’économiques, la CJUE a reconnu que de telles fins pouvaient, en effet, être recherchées, mais a laissé le soin à la juridiction nationale concernée de déterminer si tel était le cas en l’espèce[22].
  1. En revanche, la CJUE s’est légèrement démarquée des conclusions de l’avocat général concernant le respect du principe de proportionnalité. Alors qu’il avait mis l’accent, d’une part, sur le montant relativement faible de la somme en cause, au regard de la notion d’intérêts supérieurs de l’État, et, d’autre part, sur les nombreux modes alternatifs de recouvrement qui existent, depuis la saisie sur salaire jusqu’à la procédure d’assistance mutuelle entre États en matière fiscale, pour estimer qu’une mesure telle que celle en cause au principal contrevenait audit principe, la CJUE a privilégié le renvoi de l’appréciation de cette proportionnalité au juge national, précisant toutefois qu’il incombait à ce dernier, à supposer naturellement que les conditions mentionnées au point 23 ci-dessus fussent satisfaites, de vérifier « notamment si, en privant [l’intéressé] de la possibilité d’exercer une partie de son activité professionnelle à l’étranger et en le privant ainsi d’une partie de ses revenus »[23], ladite mesure était « propre à garantir le recouvrement de l’impôt […] et […] nécessaire à cette fin »[24], en vérifiant, à cet égard, l’existence éventuelle de mesures alternatives ne portant pas atteinte à la liberté de circulation.
  1. Enfin, la CJUE a insisté sur le fait que la juridiction nationale devait également vérifier la prise en compte du comportement personnel du contribuable, l’article 27, paragraphe 2, de la directive 2004/38 prohibant l’absence d’« appréciation spécifique »[25] dudit comportement.

B. Les libertés spécifiques de libre circulation et d’établissement.

  1. Comme la CJUE vient de le rappeler tout récemment, le « principe général d’interdiction de toute discrimination en raison de la nationalité n’a vocation à s’appliquer de manière autonome que dans des situations régies par le droit de l’Union pour lesquelles le traité ne prévoit pas de règles spécifiques de non-discrimination »[26]. Or, tel est le cas pour nombre d’illustrations du principe de libre circulation. Il convient d’envisager ici la libre circulation des travailleurs, la libre circulation des capitaux, la libre prestation de services et la liberté d’établissement.

1. La libre circulation des travailleurs (article 45 TFUE).

  1. L’incidence fiscale du droit primaire a notamment été consacrée au titre du principe de la libre circulation des travailleurs salariés, aujourd’hui énoncé à l’article 45 TFUE.
  1. Ainsi, à titre d’illustration, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Schumacker[27], un résident belge avait exercé une activité salariée en Allemagne, tout en continuant à résider en Belgique. Ces salaires ayant fait l’objet, en Allemagne, d’une retenue à la source effectuée par son employeur, le salarié concerné s’était vu ensuite privé, en raison de son lieu de résidence, du bénéfice des dispositions de droit allemand prévoyant une régularisation annuelle de ces retenues.
  1. À cette occasion, la CJCE a dit pour droit que les travailleurs ressortissants d’un État membre devaient bénéficier, sur le territoire d’un autre État membre, des mêmes avantages fiscaux que les travailleurs nationaux, pour autant, néanmoins, qu’ils en tirent l’essentiel de leurs revenus.
  1. En effet, pour comparer la situation du résident à celle du non-résident, le critère principal est celui de la part des revenus perçus dans l’État de résidence. En bref, la situation d’un non-résident est comparable à celle d’un résident lorsque le premier ne perçoit pas de revenus significatifs dans l’État de sa résidence et tire l’essentiel de ses ressources imposables d’une activité exercée dans l’État d’emploi.
  1. La discrimination réside, le cas échéant, en ce que la situation personnelle et familiale de ce non-résident n’est prise en compte ni dans l’État de résidence ni dans l’État d’emploi.
  1. Certes, le principe demeure donc celui de la prise en compte de la situation personnelle et familiale du contribuable par l’État de résidence de ce dernier, cela ayant pour conséquence la taxation du contribuable sur l’ensemble de ses revenus. Toutefois, par exception, l’obligation de prendre en compte la situation personnelle et familiale du contribuable est à la charge de l’État de la source si le contribuable perçoit l’essentiel de ses revenus imposables sur son territoire.
  1. La CJCE a ainsi jugé, dans l’arrêt Lakebrink et Peters-Lakebrink[28], que le refus de prise en considération, par l’administration fiscale d’un État membre, des revenus locatifs négatifs d’un contribuable, relatifs à des biens immobiliers situés dans un autre État membre, constituait une discrimination prohibée par le principe de libre circulation des travailleurs. En l’espèce, les époux Lakebrink, travaillant tous deux au Luxembourg tout en résidant en Allemagne, n’avaient pas, à la différence des personnes travaillant et résidant au Luxembourg, le droit, conféré par la législation luxembourgeoise, de demander la prise en compte des pertes de revenus locatifs liées à leurs biens immobiliers situés à l’étranger (en Allemagne, au cas d’espèce) pour la détermination du taux d’imposition de leurs revenus perçus au Luxembourg. Cette législation a été jugée contraire au droit communautaire, les époux Lakebrink percevant l’intégralité de leurs revenus, non dans l’État de leur résidence (l’Allemagne), mais dans l’État de leur travail (le Luxembourg). Pour ce dernier État, ils étaient donc bien dans une situation comparable à celle de résidents.
  1. En revanche, dès lors que le travailleur ayant fait usage de son droit à la libre circulation « n’est pas, dans l’État d’accueil, [traité] d’une façon moins favorable que ne le serait un ressortissant de cet État dans une situation purement interne »[29], l’article 45 TFUE ne peut être utilement invoqué, à moins que le traitement réservé au travailleur concerné ne puisse « être qualifié de discriminatoire pour d’autres raisons »[30]. Ainsi, dans le cas d’une ressortissante française ayant épousé un Allemand, tous deux vivant en Allemagne, il a été jugé que le mécanisme d’imposition permettant, d’une part, l’exonération tant en France qu’en Allemagne de certains revenus de source française (indemnités d’expatriation) en vertu, d’abord, de la convention fiscale franco-allemande de prévention des doubles impositions (en tant que revenus de source française), puis du droit fiscal français (imposition du seul traitement, à l’exception desdites indemnités), mais, d’autre part, la prise en compte de leur montant pour la détermination du taux d’imposition applicable aux revenus allemands en application d’un barème d’imposition progressif, n’était pas contraire à l’article 45 TFUE. La CJUE a répondu à la juridiction de renvoi, le Finanzgericht Baden-Württemberg, que la comparabilité des situations ne pouvait « nécessairement être appréciée que dans le cadre d’un seul et même système fiscal »[31] et que, de ce point de vue, les indemnités en cause étant « destinées à adapter la rémunération de l’intéressée au coût de la vie en Allemagne »[32] et, donc, à accroître sa capacité contributive, pouvaient être prises en compte au titre de la progressivité de l’impôt comme l’auraient été des revenus de même effet de source allemande. La CJUE a également mis l’accent sur le fait que le traité ne garantissait pas à un citoyen de l’Union la neutralité, « en matière d’imposition »[33], du « transfert de ses activités dans un État membre autre que celui dans lequel il résidait jusque-là »[34].

2. La libre circulation des capitaux (article 63 TFUE).

  1. Dans le même esprit, les législations fiscales nationales sont encadrées au titre de la libre circulation des capitaux.
  1. Ainsi, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Lenz[35], une ressortissante allemande résidente en Autriche était assujettie à l’impôt en Autriche pour l’ensemble de ses revenus mondiaux, notamment pour ses revenus tirés de dividendes distribués par des sociétés anonymes établies en Allemagne.
  1. Or, selon la législation fiscale autrichienne, des avantages fiscaux, consistant en un taux d’imposition réduit, étaient exclusivement accordés pour les revenus de capitaux d’origine autrichienne. Les revenus d’origine allemande de Mme Lenz étaient, quant à eux, soumis au taux progressif ordinaire de l’impôt sur le revenu. Cette législation, d’une part, dissuadait les contribuables autrichiens d’investir dans des sociétés établies dans d’autres États membres et, d’autre part, faisait obstacle, pour ces sociétés, à la collecte de capitaux en Autriche.
  1. Dès lors, il a été jugé que le refus d’accorder aux bénéficiaires de revenus de capitaux mobiliers originaires d’un autre État membre les avantages fiscaux accordés aux bénéficiaires de revenus de capitaux mobiliers d’origine autrichienne constituait une restriction incompatible avec la libre circulation des capitaux.
  1. Un raisonnement semblable a été adopté par la CJCE dans l’arrêt Manninen[36]. Cette dernière était interrogée sur le point de savoir si le principe de libre circulation des capitaux s’opposait à un mécanisme d’avoir fiscal réservé aux actionnaires de sociétés résidentes, à l’exclusion d’actionnaires de sociétés non-résidentes.
  1. En l’espèce, la législation finlandaise litigieuse visait à prévenir une double imposition des bénéfices en octroyant à l’actionnaire, dans le cadre de l’imposition de ses revenus constitués de dividendes, un avoir fiscal calculé sur la base du taux de l’impôt déjà payé par la société au titre de l’imposition sur les bénéfices.
  1. Les actionnaires bénéficiaient ainsi d’une exonération totale des bénéfices qui leur avaient été distribués sous forme de dividendes, mais ce pour les seuls dividendes versés par des sociétés résidentes.M. Manninen, assujetti à l’impôt à titre principal en Finlande et détenant des actions d’une société établie en Suède, était donc privé du bénéfice de cette exonération.
  1. La CJCE a logiquement considéré que la réglementation fiscale en cause avait pour effet de dissuader les résidents d’investir leurs capitaux dans des sociétés ayant leur siège dans un autre État membre et produisait également un effet restrictif à l’égard des sociétés non-résidentes, en ce qu’elle constituait à leur encontre un obstacle à la collecte de capitaux dans l’État en cause. Par conséquent, une législation telle que la législation finlandaise constituait une restriction à la libre circulation des capitaux.
  1. L’État finlandais avait cependant tiré argument de la nécessaire cohérence de son régime fiscal. Pour qu’une justification de cet ordre puisse prospérer, il faut que soit établie l’existence d’un lien direct entre l’avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé. En outre, la justification doit être appréciée en fonction de l’objectif poursuivi par la réglementation fiscale en cause[37].
  1. À cet égard, la CJCE a dit pour droit que l’objectif d’éviter la double imposition tout en assurant la cohérence du régime fiscal pouvait être atteint par des mesures moins restrictives. En effet, il était tout à fait possible d’octroyer au requérant un avoir fiscal qui fût calculé sur la base de l’impôt dû par la société suédoise en Finlande. Dès lors, la législation litigieuse n’était pas proportionnée à l’objectif poursuivi[38]. Une telle justification ne peut donc être admise que si l’objectif poursuivi ne peut être atteint par des mesures moins restrictives qui ne remettraient pas en cause la cohérence du régime fiscal, et ce au niveau de l’Union[39].
  1. L’on mentionnera également le fait que l’article 63 TFUE a été interprété comme s’opposant à une réglementation nationale réservant à un contribuable résident la possibilité de déduire de ses revenus fonciers le montant des rentes versées à un parent lui ayant transmis, dans le cadre d’une succession anticipée, des biens immeubles situés sur le territoire de cet État membre[40].
  1. Or, si, en principe, comme on l’a vu dans l’arrêt Schumacker, précité, le traitement fiscal distinct d’un contribuable, selon qu’il est ou non résident, est admis, au motif qu’une discrimination ne peut consister que dans l’application de règles différentes à des situations comparables ou bien dans l’application de la même règle à des situations différentes et que, en matière d’impôts directs, la situation des résidents et celle des non-résidents n’est, en règle générale, pas comparable, il n’en demeure pas moins que, dans certains cas, elle l’est.
  1. Tel était le cas en l’espèce, puisque la législation allemande traitait différemment, à propos de biens immeubles situés sur le territoire de cet État membre, les revenus générés par ces biens, taxés à ce titre en Allemagne. Lorsque le contribuable n’était pas résident, son assujettissement à l’impôt allemand était partiel, au titre des seuls revenus fonciers, avec l’impossibilité de déduire de ces revenus le montant des rentes versées au parent ayant transmis l’immeuble, tandis que, lorsque le contribuable était résident et, à ce titre, pleinement assujetti, il pouvait opérer une telle déduction. Relevant que le « traitement fiscal moins favorable réservé aux non-résidents pourrait dissuader ces derniers d’acquérir ou de conserver des biens immeubles situés en Allemagne »[41] et « dissuader les résidents allemands de désigner comme bénéficiaires d’une succession anticipée des personnes résidant dans un [autre] État membre »[42], la CJUE a exposé les raisons pour lesquelles l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE, permettant précisément aux États membres d’établir des distinctions entre contribuables fondées sur le critère de la résidence, ne trouvait pas à s’appliquer.
  1. Elle a rappelé, dans l’arrêt Schröder, précité, que, « en ce qui concern[ait] les dépenses, telles que des frais professionnels directement liés à une activité ayant généré des revenus imposables dans un État membre, les résidents et les non-résidents de ce dernier [étaient] placés dans une situation comparable, de sorte qu’une réglementation dudit État [refusant] aux non-résidents, en matière d’imposition, la déduction de telles dépenses, accordée en revanche aux résidents, risqu[ait] de jouer principalement au détriment des ressortissants d’autres États membres et comport[ait] donc une discrimination indirecte selon la nationalité »[43], contraire à l’article 65, paragraphe 3, TFUE.

3. La libre prestation de services (article 56 TFUE).

  1. Il est également établi que les législations fiscales des États membres peuvent être appréhendées par l’article 56 TFUE.
  1. Le cas ayant donné lieu à l’arrêt Safir[44] illustre, concernant les personnes physiques, cette incidence fiscale de la libre prestation de services. Dans cette affaire, Mlle Safir, résidente sur le territoire suédois, était soumise, pour le paiement de l’impôt sur les primes d’assurance vie en capital qu’elle avait versées à une compagnie d’assurances britannique, à un régime fiscal différent et moins avantageux que celui des autres résidents ayant recours à des compagnies d’assurance suédoises.
  1. Dès lors que cette législation était non seulement susceptible de dissuader les preneurs d’assurances, résidant en Suède, de souscrire une assurance vie auprès de compagnies établies dans d’autres États membres, mais aussi d’entraver la possibilité pour ces prestataires de services d’exercer effectivement cette liberté sur le territoire suédois, elle a été jugée incompatible avec le principe de libre prestation de services posé par le traité.
  1. Ce principe peut ainsi s’opposer à l’application de toute réglementation nationale, en matière de fiscalité directe, qui aurait pour effet de rendre la prestation de services entre États membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un État membre.

4. La liberté d’établissement (article 49 TFUE).

  1. De même, le principe d’égalité de traitement fiscal a été rappelé dans le cadre de la liberté d’établissement consacrée à l’article 49 TFUE. Quand ils procèdent à l’édiction de règles fiscales nationales, les États sont donc tenus de s’abstenir de toute discrimination ostensible ou déguisée fondée sur la nationalité, susceptible de décourager un ressortissant de l’Union d’exercer ses activités dans un autre État membre.
  1. Selon l’arrêt Wielockx[45], la liberté d’établissement fait ainsi obstacle à ce qu’une législation nationale qui, tout en permettant aux résidents de déduire de leurs revenus imposables les bénéfices d’une entreprise qu’ils affectent à la constitution d’une réserve vieillesse, exclut cette possibilité pour les non-résidents, alors qu’ils perçoivent dans cet État la totalité ou la quasi-totalité de leurs revenus.
  1. Certes, les États membres restent libres, comme on l’a souligné, notamment, en matière de libre circulation des capitaux, de déterminer le champ d’application de leur législation fiscale sur la base du critère de la résidence. Cependant, ils doivent veiller à ce que l’application de ce critère n’aboutisse pas, en fait, à faire subir un traitement discriminatoire aux ressortissants de l’Union qui ont choisi d’exercer une activité économique sur leur territoire tout en continuant de résider dans leur État d’origine. Le non-résident n’est pas, en général, un ressortissant national.
  1. D’autres critères de comparabilité que la source essentielle des revenus peuvent également être pris en considération.
  1. Ainsi, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Conijn[46], la CJCE a exclu la conformité avec la liberté d’établissement des dispositions de la loi allemande relative à l’impôt sur le revenu excluant la possibilité de déduire certains frais — en l’occurrence des frais de consultation d’un conseiller fiscal — pour les contribuables partiellement assujettis à l’impôt, c’est-à-dire les contribuables n’ayant ni leur domicile ni leur résidence habituelle en Allemagne et qui y sont imposés uniquement à hauteur des revenus perçus dans cet État. Elle a, en effet, rappelé la solution dégagée notamment en matière de libre prestation de services[47], mais aussi de liberté de circulation des capitaux[48], à savoir que, concernant des dépenses liées directement aux revenus d’une personne partiellement assujettie, tels les frais professionnels liés à une activité dans un autre État membre, la personne partiellement assujettie doit être traitée de la même manière que la personne intégralement assujettie.
  1. Mutatis mutandis, les solutions dégagées à propos des personnes physiques valent aussi concernant les personnes morales : les libertés conférées à ces dernières constituent autant d’exigences que devra respecter le législateur national.

II. Les libertés bénéficiant aux personnes morales, limite à la compétence du législateur national en matière de fiscalité directe.

  1. Indiquons d’emblée que, si ces libertés concernent avant tout les sociétés, et notamment les sociétés de capitaux, d’autres personnes morales, comme des organismes sans but lucratif, sont fondées à se prévaloir des libertés prévues par le traité. Il en va ainsi, en particulier, de la libre circulation des capitaux.
  1. Dans l’arrêt Missionswerk Werner Heukelbach, précité, la CJUE avait été interrogée par le tribunal de première instance de Liège sur le point de savoir si une législation telle que la législation belge, qui prévoyait un taux réduit (7 % au lieu de 80 %) applicable aux droits de succession et de mutation par décès en cas de legs faits à des associations sans but lucratif, ne contrevenait pas au principe de libre circulation des capitaux. En effet, ces associations devaient soit être sises en Belgique, soit être sises dans un autre État membre de l’Union, mais à la condition, dans cette dernière hypothèse, que le testateur ait résidé ou travaillé dans ledit État, au moment de son décès ou antérieurement.
  1. Bénéficiaire par testament de la totalité de la succession d’une ressortissante belge, la requérante au principal, association religieuse établie en Allemagne, a acquitté les droits au taux de 80 %, et non au taux de 7 %, au motif qu’il n’avait pas été établi que la testatrice ait soit résidé, soit travaillé en Allemagne. Elle a donc demandé le remboursement de la différence entre le montant des droits résultant de l’application du taux marginal et celui résultant de l’application du taux réduit.
  1. La CJUE a, d’abord, confirmé l’applicabilité de la libre circulation des capitaux et, ensuite, l’existence d’une restriction à celle-ci, dès lors que, du fait de l’imposition plus lourde frappant un organisme sans but lucratif établi dans un État membre dans lequel le de cujus n’avait ni résidé ni travaillé, la valeur de la succession d’un résident d’un État membre autre que l’État membre où se trouvaient les biens concernés et ayant procédé à l’imposition desdits biens s’en trouvait diminuée[49]. De plus, la législation en cause dissuadait les résidents belges de désigner comme légataires des personnes établies dans des États membres dans lesquels ils n’avaient pas résidé ou travaillé[50], alors pourtant que, selon la CJUE, les organismes sans but lucratif se trouvaient, au regard des activités d’intérêt général poursuivies par eux, dans une situation comparable, qu’ils se trouvassent ou non dans l’État membre d’imposition[51].
  1. Ces précisions apportées, il importera ici, après avoir examiné les différentes libertés en cause s’agissant des personnes morales, de s’attarder sur les justifications pouvant être mises en avant pour justifier une disparité de traitement. Si de telles justifications peuvent également trouver à s’appliquer s’agissant des personnes physiques, elles revêtent une plus grande importance concernant les personnes morales, précisément en raison de l’opacité pouvant résulter de l’interposition d’une ou de plusieurs personnes juridiques distinctes des actionnaires.

A. L’égalité de traitement des personnes morales dans l’exercice de leurs libertés.

  1. L’exigence d’égalité de traitement fiscal concerne également l’imposition des sociétés. Là encore, les différentes libertés de circulation encadrent cette imposition. Seront successivement examinées la libre circulation des capitaux, notamment lorsqu’il est procédé à la distribution d’un dividende dans un autre État membre, la libre prestation de services et la liberté d’établissement, qui peut être exercée à titre principal ou secondaire (par la constitution de filiales, d’agences ou de succursales dans un autre État membre).

1. La libre circulation des capitaux.

  1. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Halley[52], la CJUE était amenée à se prononcer sur l’éventuelle méconnaissance, par le législateur belge, de l’article 63 TFUE. Le litige au principal portait sur les droits de succession dus concernant les actions nominatives de la société Carrefour SA, dont le siège de la direction effective se trouve en France et non en Belgique. La déclaration de succession avait retenu une valeur donnée par action nominative, que l’administration fiscale belge a ensuite rehaussée. Les héritiers ont alors excipé de la prescription de l’action de l’administration, laquelle est acquise au bout de deux ans lorsque le siège de la direction effective de la société est situé en Belgique, et de dix ans lorsque tel n’est pas le cas. Le fisc belge ayant répondu que ce dernier délai trouvait à s’appliquer au cas d’espèce, il a été argué du caractère discriminatoire de la législation en cause au regard du principe de libre circulation des capitaux.
  1. Pour le juge de l’Union, l’application d’un délai de prescription supérieur aux héritiers détenant des actions dans une société dont le siège de la direction effective était établi dans un État membre autre que celui de l’imposition des droits de succession dissuadait les non-résidents de faire des investissements dans un tel État membre, ou d’y maintenir leurs investissements, ce qui constituait une restriction à la libre circulation des capitaux[53]. Selon la CJUE, cette restriction n’était pas justifiée, dès lors que, à supposer même que le délai de dix ans permît d’atteindre l’objectif de lutte contre la fraude fiscale, avancé par le gouvernement belge, une telle disparité de traitement était disproportionnée par rapport audit objectif[54]. Elle a relevé, en particulier, que l’application générale du délai de dix ans n’était « aucunement fonction du laps de temps nécessaire pour recourir utilement à des mécanismes d’assistance mutuelle ou à d’autres moyens permettant d’enquêter sur la valeur [des] actions »[55].

 

2. La libre prestation de services.

  1. L’article 56 TFUE a également été interprété par la CJUE comme s’opposant à une législation – la législation luxembourgeoise en l’espèce – réservant le bénéfice d’une bonification d’impôt pour investissement aux contribuables, d’une part, disposant d’un établissement sur le territoire de l’État membre concerné et, d’autre part, mettant physiquement en œuvre l’investissement en question sur ledit territoire[56]. Tankreederei, société de droit luxembourgeois, qui exploitait, depuis le Luxembourg, deux bateaux utilisés dans un cadre portuaire, en Belgique et aux Pays-Bas, pour le ravitaillement des navires en hydrocarbures de soute, avait demandé à obtenir les bonifications en question, qui lui ont été refusées au motif que les bateaux concernés n’étaient pas utilisés au Grand-duché.
  1. Répondant à la question posée par le tribunal administratif, la CJUE a souligné qu’une telle législation fiscale était susceptible, « sinon de décourager les entreprises nationales de fournir, dans un autre État membre, des services nécessitant l’utilisation de biens d’investissement situés dans ce dernier État membre, du moins de rendre cette fourniture de services transfrontaliers moins attrayante ou plus difficile que la fourniture de services sur le territoire national au moyen de biens d’investissement situés sur ce dernier »[57]. Il est enfin insisté, dans l’arrêt Tankreederei, précité, sur le fait que ne pouvait jouer l’exception tirée de la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres, puisque la requérante au principal était exclusivement taxable au Grand-duché[58].

 

3. La liberté d’établissement.

  1. Dans l’arrêt Denkavit Internationaal et Denkavit France[59], la CJCE était saisie de questions préjudicielles posées par le Conseil d’État français concernant l’imposition de dividendes versés par deux sociétés filiales, Denkavit France et Agro Finances, établies en France, à leur société mère, Denkavit Internationaal, établie aux Pays-Bas.
  1. Selon les dispositions fiscales françaises d’alors, une société mère résidente bénéficiait d’une exonération presque totale des dividendes versés par ses filiales. En revanche, pour une société mère non-résidente, les dividendes versés par les filiales résidentes étaient soumis à une retenue à la source, frappant la société mère.
  1. Or, une telle différence de traitement fiscal des dividendes, entre sociétés mères en fonction du lieu de leur siège, ne pouvait que rendre moins attrayant l’exercice de la liberté d’établissement par des sociétés établies dans d’autres États membres. Par conséquent, sous l’effet d’une telle législation fiscale, ces sociétés pouvaient renoncer à l’acquisition, à la création ou au maintien d’une filiale dans l’État membre édictant cette mesure[60].
  1. Il a été jugé que de telles dispositions restreignaient inévitablement, et de façon non objectivement justifiée, la liberté d’établissement[61].
  1. Autre illustration des limites s’imposant au législateur national en raison du déploiement de la liberté d’établissement en matière de fiscalité directe, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation[62] : était en cause le traitement fiscal d’intérêts versés par des sociétés résidentes du Royaume-Uni en rémunération de fonds empruntés à une société appartenant au même groupe, mais établie dans un autre État membre.
  1. En l’espèce, des filiales établies au Royaume-Uni s’étaient vu accorder des prêts par leurs sociétés mères et par des sociétés sœurs établies dans d’autres États membres. Pour la plupart, le fisc britannique avait refusé ou restreint le droit de ces filiales de déduire de leur impôt le montant des intérêts versés.
  1. Or, un tel avantage était accordé par la législation britannique dans l’hypothèse où la société mère prêteuse était également résidente. Ces dispositions nationales relatives à la sous-capitalisation prévoyaient que, dans certaines circonstances, les intérêts versés par une société à une autre société appartenant au même groupe, en rémunération d’un prêt accordé par cette dernière, étaient qualifiés de bénéfices distribués, interdisant ainsi à la société emprunteuse la déduction du bénéfice imposable des intérêts versés.
  1. Dans ce contexte, la Cour a observé que qualifier les intérêts versés à une société apparentée de bénéfices distribués était susceptible d’alourdir la charge fiscale de la société emprunteuse, notamment du fait que le bénéfice imposable ne pouvait être réduit du montant des intérêts versés. En outre, l’application combinée de cette législation nationale et des conventions internationales applicables ne permettait pas de neutraliser l’alourdissement de ladite charge fiscale. Par conséquent, la Cour a jugé que la différence de traitement à laquelle étaient soumises les filiales de sociétés mères non-résidentes par rapport aux filiales de sociétés mères résidentes, constituait une restriction à la liberté d’établissement, en principe interdite[63].
  1. Plus récemment, dans l’arrêt National Grid Indus[64], la CJUE était interrogée par le Gerechtshof Amsterdam sur la conformité au principe de liberté d’établissement d’une disposition prévoyant, lors du transfert du siège de la direction effective de la société dans un autre État membre, sans perte de la qualité de société aux Pays-Bas, une imposition immédiate sur les plus-values latentes afférentes aux éléments d’actif de ladite société.
  1. Transposant la jurisprudence adoptée à propos des personnes physiques dans l’arrêt de Lasteyrie du Saillant[65], la CJUE a jugé que la réglementation en cause, imposant le recouvrement immédiat de l’imposition sur lesdites plus-values latentes, était « de nature à décourager une société de droit néerlandais de procéder au transfert de son siège dans un autre État membre »[66] et s’avérait disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi, « seule la détermination du montant de l’imposition au moment du transfert du siège de direction effective d’une société, et non pas son recouvrement immédiat »[67], devant être « considérée comme n’allant pas au-delà de ce qui est nécessaire pour la réalisation d’un tel objectif »[68].

B. Les exceptions à l’égalité de traitement des personnes morales dans l’exercice de leurs libertés.

  1. Tout comme en d’autres matières, des restrictions fiscales peuvent être justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général, à la condition d’être appropriées et de ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour protéger ces objectifs d’intérêt général. Seront abordées les exceptions tirées de la lutte contre la fraude fiscale, de la cohérence du système fiscal et de la répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres, lesquelles semblent désormais pouvoir être examinées par le juge de l’Union sans que l’État membre concerné les ait spécifiquement alléguées[69].

 

1. L’objectif de lutte contre la fraude fiscale.

  1. La lutte contre la fraude fiscale constitue, selon une jurisprudence constante, une raison impérieuse d’intérêt général qui peut justifier une restriction à une liberté de circulation.
  1. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas[70], la CJCE était saisie de la conformité avec le droit de l’Union de la législation britannique sur les sociétés étrangères contrôlées (SEC). Très schématiquement, en vertu de cette législation et sous réserve de certaines exceptions, les bénéfices non distribués d’une SEC étaient incorporés dans l’assiette imposable de la société mère britannique lorsque l’État dans lequel était établi la société filiale imposait ces bénéfices à un niveau d’imposition sensiblement inférieur au taux britannique d’imposition des bénéfices. En bref, l’incorporation des bénéfices des filiales dans l’assiette de la société mère visait à éviter que les sociétés britanniques ne créent des filiales fantômes, ou sociétés « boîtes aux lettres », exclusivement pour tirer profit de la fiscalité privilégiée en vigueur dans d’autres États membres.
  1. La CJCE a jugé que l’incorporation des bénéfices des filiales telle que mise en œuvre par la législation britannique était contraire à la liberté d’établissement.Restait alors à apprécier l’argument des autorités britanniques tiré de la lutte contre la fraude fiscale et, partant, de voir si la restriction était objectivement justifiée. Il ressort de cet arrêt qu’une législation telle que la législation britannique pouvait s’appliquer, mais exclusivement aux montages purement artificiels destinés uniquement à éluder l’impôt national normalement dû.
  1. L’application d’une telle mesure d’imposition doit, par conséquent, être écartée lorsqu’il s’avère, sur la base d’éléments objectifs et vérifiables par des tiers, que, malgré l’objectif — économiquement légitime — d’optimisation des coûts de sa fiscalité, ladite société contrôlée est réellement implantée dans l’État membre d’accueil et y exerce des activités économiques effectives.
  1. En effet, la fraude ne saurait être présumée. La justification tirée de la lutte contre la fraude n’est admise que si elle vise des montages purement artificiels dont le but est de contourner la loi fiscale : toute mesure fiscale restrictive qui s’appuie sur une présomption générale de fraude ne saurait donc être justifiée.
  1. C’est également sur ce fondement que, dans le cadre de l’arrêt Elisa[71], la CJCE a considéré comme injustifiées les restrictions fiscales à la libre circulation des capitaux opérées par la législation française relative à l’imposition des immeubles situés sur le territoire français.
  1. En vertu de cette législation, une taxe annuelle de 3 % était perçue sur la valeur vénale des immeubles possédés par des sociétés, les sociétés établies en France en étant toutefois exonérées. Les sociétés étrangères ne pouvaient en être exonérées qu’à la condition d’être établie dans un État avec lequel la France avait conclu une convention d’assistance administrative destinée à lutter contre la fraude et prévoyant la possibilité pour l’administration fiscale française de se faire communiquer des informations relatives à l’identité des actionnaires ou associés.
  1. Il en résultait donc un traitement discriminatoire à l’égard des sociétés étrangères, en particulier pour celles établies dans un État n’étant pas lié à la France par une telle convention, telle que la requérante au principal, établie au Luxembourg.
  1. En l’espèce, la convention fiscale passée entre la France et le Luxembourg excluait de son domaine les sociétés du type d’Elisa. L’administration fiscale française avait donc procédé au recouvrement de la taxe de 3 % à l’encontre d’Elisa.
  1. Une restriction à la libre circulation des capitaux était donc établie. Mais, à titre de justification, le gouvernement français avançait que cette taxe avait pour objectif de lutter contre la fraude fiscale. Autrement dit, la taxe n’était due que si l’administration fiscale n’était pas en mesure de disposer des informations suffisantes pour vérifier que les immeubles en cause n’appartenaient pas en fait à des contribuables français désireux de dissimuler une partie de leur patrimoine immobilier afin de ne pas être redevable de l’impôt français sur la fortune s’appliquant aux personnes détenant un patrimoine net supérieur à 760 000 euros.
  1. Dès lors que les dispositions françaises aboutissaient à rendre moins attrayants, pour certaines sociétés établies sur le territoire d’autres États membres, les investissements immobiliers en France et, donc, constituaient une restriction à la libre circulation des capitaux, la législation fiscale française a été jugée incompatible avec cette dernière.
  1. À cet égard, il a été jugé que la taxe instaurée par la législation française était appropriée pour lutter contre la fraude fiscale, mais que d’autres mesures moins restrictives auraient pu être adoptées afin d’atteindre l’objectif poursuivi. De même que pour la législation britannique sur les SEC, la mesure a été considérée comme disproportionnée en ce qu’elle s’appuyait sur une présomption générale de fraude.

 

2. L’objectif de cohérence du système fiscal.

  1. Dans les arrêts Bachmann et Commission/Belgique, précités, la CJCE a admis que la poursuite d’un tel objectif pouvait constituer une raison impérieuse d’intérêt général[72]. Il semble désormais que, même lorsque l’État membre n’allègue pas formellement une telle exception, le juge de l’Union peut examiner si elle n’est pas de nature à justifier la restriction aux libertés susmentionnées. Ainsi, dans l’arrêt Tankreederei, précité, la CJUE a relevé que, en tout état de cause, l’existence d’un lien direct entre l’avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé, condition pour qu’une telle justification puisse prévaloir, ne ressortait pas des éléments « du dossier transmis à la Cour »[73].

 

3. L’objectif de préservation de la répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres.

  1. À titre de justification, les États membres invoquent fréquemment la préservation de la répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres.
  1. C’était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Marks & Spencer[74], dans laquelle la CJCE a constaté que la législation britannique dont elle était saisie opérait, au titre du dégrèvement de groupe, une différence de traitement fiscal entre les pertes subies par une filiale résidente et les pertes subies par une filiale non-résidente.
  1. Selon les dispositions en cause, une société mère résidente ne pouvait déduire de son bénéfice imposable les pertes subies par une filiale établie sur le territoire d’un autre État membre, alors qu’une telle déduction était possible pour des pertes subies par une filiale résidente.
  1. La CJCE a admis, dans cette affaire, que la préservation de la répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres puisse constituer un objectif légitime[75].
  1. Ainsi, le respect des compétences des États membres peut rendre nécessaire l’application aux activités économiques des sociétés établies dans un État membre des seules règles fiscales de celui-ci, en ce qui concerne tant les bénéfices que les pertes. En effet, donner aux sociétés la faculté d’opter pour la prise en compte de leurs pertes dans l’État membre de leur établissement ou dans un autre État membre pourrait sensiblement compromettre une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres, l’assiette d’imposition se trouvant augmentée dans le premier État et diminuée dans le second, à concurrence des pertes transférées.
  1. La nécessité de sauvegarder la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres peut justifier une restriction notamment en raison des risques de double emploi des pertes et de fraude fiscale. En revanche, une telle justification ne peut, par définition, être pertinente lorsqu’il s’avère qu’un État membre dispose d’une compétence exclusive pour imposer une société, par exemple lorsque celle-ci se contente de fournir des prestations de services dans d’autres États membres[76].
  1. La CJCE a admis la justification tirée des risques de double emploi des pertes dans l’arrêt Oy AA[77]. En l’espèce, la législation finlandaise, relative aux transferts financiers intragroupes, permettait à une filiale établie en Finlande de déduire de ses revenus imposables les transferts qu’elle avait réalisés au bénéfice de sa société mère dans la mesure où celle-ci était établie en Finlande. Une telle déduction n’était toutefois pas admise pour un transfert au bénéfice d’une société mère établie dans un autre État membre.
  1. Après avoir reconnu qu’une telle législation introduisait une différence de traitement entre les filiales résidentes en Finlande, selon que leur société mère était ou non établie dans le même État, alors que leur situation était comparable, la Cour a admis la justification tirée du respect de la compétence des États membres et de la prévention de la fraude fiscale.
  1. En effet, l’avantage en cause consistant à permettre à une société d’exclure une partie de ses revenus imposables en les transférant à un membre de son groupe, une solution différente aurait conduit à permettre aux groupes de sociétés de choisir librement dans quel État ils souhaitaient s’acquitter de leurs impôts et par conséquent de contourner le droit de l’État membre, dans lequel une filiale est établie, d’imposer les bénéfices générés par des activités réalisées sur son territoire.
  1. Au terme de cette analyse, l’on constate donc que la CJUE ne fait, dans le cadre du principe d’encadrement, que reconnaître la nécessité de respecter les compétences nationales en matière de fiscalité directe. Même si ce sujet conduit le juge de l’Union à se prononcer sur des questions inévitablement liées à l’action régalienne de l’État, ledit juge ne s’érige pas en censeur, mais joue plutôt le rôle d’un aide-mémoire. La CJUE ne fait qu’interpréter le droit et dit aux États : voilà ce à quoi vous vous êtes engagés et Pacta sunt servanda
  1. Aussi peut-on être satisfait de l’équilibre général se dégageant de cette jurisprudence. Ainsi que l’énonce le proverbe bulgare : « И вълкът сит, и агнето цяло ». La CJUE ne peut et ne veut s’arroger une compétence dont elle reconnaît dans chacun de ses arrêts que l’Union européenne n’en dispose pas et qu’elle relève de la compétence des États membres. Les 27 souhaiteront-ils exercer un jour en commun leurs compétences en matière de fiscalité directe ? C’est là une toute autre question…

 

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[1]       Magistrat administratif français détaché au cabinet du Président du Tribunal de l’Union européenne et maître de conférences associé à l’Université Nancy 2 (France), ancien référendaire à la Cour de justice de l’Union européenne, l’auteur s’exprime à titre personnel. La jurisprudence a été prise en compte jusqu’au 31 décembre 2011.

[2]       JOCE du 27 décembre 1977, L 336, p. 15.

[3]       JOUE du 11 mars 2011, L 64, p. 1.

[4]       Règlement (UE) n° 904/2010 du Conseil, du 7 octobre 2010, concernant la coopération administrative et la lutte contre la fraude dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée (JOUE du 12 octobre 2010, L 268, p. 1).

[5]       Règlement (CE) n° 2073/2004 du Conseil, du 16 novembre 2004, relatif à la coopération administrative dans le domaine des droits d’accises (JOUE du 4 décembre 2004, L 359, p. 1).

[6]       K. LENAERTS et L. BERNARDEAU, « L’encadrement communautaire de la fiscalité directe », in Cahiers de droit européen, 2007, nos 1-2, p. 19 et s.

[7]       Arrêt de la CJUE du 20 mai 2010, Modehuis A. Zwijnenburg, C‑352/08, Rec. p. I‑4303, point 48. Voir, en dernier lieu, rappelant que « la fiscalité directe relève de la compétence des États membres », arrêt de la CJUE du 8 décembre 2011, Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C‑157/10, non encore publié au Recueil, point 28.

[8]       Voir, par exemple, arrêt de la CJUE du 5 mai 2011, McCarthy, C‑434/09, non encore publié au Recueil.

[9]       Voir, à titre d’illustration, arrêts de la CJUE du 22 décembre 2010, Tankreederei, C‑287/10, non encore publié au Recueil, point 14 ; du 13 octobre 2011, Waypoint Aviation, C‑9/11, non encore publié au Recueil, point 19, et du 8 décembre 2011, Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, précité, point 28.

[10]     Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO L 158, p. 77 et rectificatif JO L 229, p. 35).

[11]     Arrêt de la CJCE du 9 novembre 2006, Turpeinen, C‑520/04, Rec. p. I‑10685.

[12]     Arrêt Turpeinen, précité, point 18. Voir, pour des confirmations récentes, arrêts de la CJUE McCarthy, précité, point 47, et du 8 mars 2011, Ruiz Zambrano, C‑34/09, non encore publié au Recueil, point 41.

[13]     Arrêt de la CJUE du 17 novembre 2011, Аладжов, C‑434/10, non encore publié au Recueil.

[14]     Arrêt Аладжов, précité, point 24.

[15]     Arrêt Аладжов, précité, point 25.

[16]     Arrêt Аладжов, précité, point 28.

[17]     Arrêt Аладжов, précité, point 34.

[18]     Conclusions présentées le 6 septembre 2011.

[19]     Arrêt Аладжов, précité, point 37.

[20]     Loc. cit.

[21]     Conclusions de l’avocat général M. Mengozzi, point 34. Pour l’avocat général, « en s’acquittant de ses dettes fiscales, tout contribuable prend conscience de son appartenance à une collectivité à l’égard de laquelle il témoigne ainsi sa solidarité » (même point). Ainsi, à travers l’impôt, « c’est à la fois la pérennité des fonctions essentielles de l’État qui est en jeu – ou, à tout le moins, peut l’être – en même temps que les fondements de la solidarité sociale et du vouloir-vivre ensemble de la communauté considérée » (même point).

[22]     Arrêt Аладжов, précité, points 38 et 39.

[23]     Arrêt Аладжов, précité, point 47.

[24]     Loc. cit.

[25]     Arrêt Аладжов, précité, point 45.

[26]     Arrêt de la CJUE du 15 septembre 2011, Schulz-Delzers et Schulz, C‑240/10, non encore publié au Recueil, point 29. Voir également, par exemple, arrêt de la CJUE du 10 février 2011, Missionswerk Werner Heukelbach, C‑25/10, non encore publié au Recueil, point 18.

[27]     Arrêt de la CJCE du 14 février 1995, Schumacker, C‑279/93, Rec. p. I‑225.

[28]     Arrêt de la CJCE du 18 juillet 2007, Lakebrink et Peters-Lakebrink, C‑182/06, Rec. p. I‑6705.

[29]     Arrêt Schulz-Delzers et Schulz, précité, point 35.

[30]     Arrêt Schulz-Delzers et Schulz, précité, point 36.

[31]     Arrêt Schulz-Delzers et Schulz, précité, point 40.

[32]     Arrêt Schulz-Delzers et Schulz, précité, point 39.

[33]     Arrêt Schulz-Delzers et Schulz, précité, point 42.

[34]     Loc. cit.

[35]     Arrêt de la CJCE du 15 juillet 2004, Lenz, C‑315/02, Rec. p. I‑7063.

[36]     Arrêt de la CJCE du 7 septembre 2004, Manninen, C‑319/02, Rec. p. I‑7477.

[37]     Arrêt Manninen, précité, point 42, et jurisprudence y citée.

[38]     Arrêt Manninen, précité, points 46 et 48.

[39]     Arrêts de la CJCE du 28 janvier 1992, Bachmann, C‑204/90, Rec. p. I‑249, points 24 à 27, et Commission/Belgique, C‑300/90, Rec. p. I‑305, points 17 à 20.

[40]     Arrêt de la CJUE du 31 mars 2011, Schröder, C‑450/09, non encore publié au Recueil.

[41]     Arrêt Schröder, précité, point 32.

[42]     Loc. cit.

[43]     Arrêt Schröder, précité, point 40.

[44]     Arrêt de la CJCE du 28 avril 1998, Safir, C‑118/96, Rec. p. I‑1897.

[45]     Arrêt de la CJCE du 11 août 1995, Wielockx, C‑80/94, Rec. p. I‑2493.

[46]     Arrêt de la CJCE du 6 juillet 2006, Conijn, C‑346/04, Rec. p. I‑6137.

[47]     Arrêt de la CJCE du 12 juin 2003, Gerritse, C‑234/01, Rec. p. I‑5933.

[48]     Arrêt Schröder, précité.

[49]     Arrêt Missionswerk Werner Heukelbach, précité, points 22 à 24.

[50]     Arrêt Missionswerk Werner Heukelbach, précité, point 25.

[51]     Arrêt Missionswerk Werner Heukelbach, précité, point 32.

[52]     Arrêt de la CJUE du 15 septembre 2011, Halley, C‑132/10, non encore publié au Recueil.

[53]     Arrêt Halley, précité, points 22 à 25.

[54]     Arrêt Halley, précité, point 32.

[55]     Arrêt Halley, précité, point 39.

[56]     Arrêt Tankreederei, précité.

[57]     Arrêt Tankreederei, précité, point 17.

[58]     Arrêt Tankreederei, précité, points 21 et 22.

[59]     Arrêt de la CJCE du 14 décembre 2006, Denkavit Internationaal et Denkavit France, C‑170/05, Rec. p. I‑11949.

[60]     Arrêt Denkavit Internationaal et Denkavit France, précité, point 30.

[61]     Arrêt Denkavit Internationaal et Denkavit France, précité, points 33 à 40.

[62]     Arrêt de la CJCE du 13 mars 2007, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, C‑524/04, Rec. p. I‑2107.

[63]     Arrêt Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, précité, points 39 à 45, 49 à 56, et 59 à 63.

[64]     Arrêt de la CJUE du 29 novembre 2011, National Grid Indus, non encore publié au Recueil.

[65]     Arrêt de la CJCE du 11 mars 2004, de Lasteyrie du Saillant, C‑9/02, Rec. p. I‑2409.

[66]     Arrêt National Grid Indus, précité, point 37.

[67]     Arrêt National Grid Indus, précité, point 81.

[68]     Loc. cit.

[69]     Arrêt Tankreederei, précité, points 19 à 33.

[70]     Arrêt de la CJCE du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, C‑196/04, Rec. p. I‑7995.

[71]     Arrêt de la CJCE du 11 octobre 2007, Elisa, C‑451/05, Rec. p. I‑8251.

[72]     Arrêts Bachmann et Commission/Belgique, précités, respectivement points 28 et 21.

[73]     Arrêt Tankreederei, précité, points 23 à 26.

[74]     Arrêt de la CJCE du 13 décembre 2005, Marks & Spencer, C‑446/03, Rec. p. I‑10837.

[75]     Arrêt Marks & Spencer, précité, points 45, 46 et 51.

[76]     Arrêt Tankreederei, précité, point 22.

[77]     Arrêt de la CJCE du 18 juillet 2007, Oy AA, C‑231/05, Rec. p. I‑6373.