LE PRINCIPE DE L’ETAT DE DROIT DANS LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

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Alexander Arabadjiev *

 

L’article aborde, en substance, deux groupes de questions. Le premier porte sur le principe de l’état de droit en tant que principe constitutionnel de l’Union européenne devant être respecté par les institutions de l’Union. Le second concerne le respect de ce principe dans les États membres de l’Union.

Il fait peu de doute que le principe de l’état de droit est l’une des caractéristiques les plus importantes et les plus déterminantes de l’Union européenne et du processus d’intégration européenne prises dans leur ensemble. Le lien entre les principes de la confiance mutuelle et de l’état de droit justifie la thèse selon laquelle les articles 2, 7 et 49 du traité UE érigent en présomption le respect par les États membres des valeurs énumérées à l’article 2 dudit traité, l’une des fonctions primordiales de cette présomption étant le renforcement de la confiance mutuelle entre les États membres en ce qui concerne les actes pris par chacun d’entre eux. La coopération quotidienne au niveau politique, administratif ou encore judiciaire, serait impossible s’il fallait démontrer chaque fois que l’État membre concerné respecte les valeurs mentionnées à l’article 2 du traité UE. Cela étant, l’expérience témoigne que le processus démocratique ne comporte pas en tant que tel des garanties suffisantes ou suffisamment effectives contre l’abus de pouvoir. Si l’on disait à l’époque que le roi ne fait pas d’erreurs, les gouvernements et les parlements d’aujourd’hui en font sans doute. C’est pour cette raison que le système judiciaire a et aura pour tâche constante et déterminante d’assurer le respect de l’état de droit.

En ce qui concerne le respect du principe de l’état de droit par les institutions de l’Union, divers aspects de celui-ci font l’objet du présent article. Premièrement, est examinée la jurisprudence de la Cour relative au droit à un recours effectif consacré à l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux à la lumière des arrêts Les Verts, UPA et Inuit. Deuxièmement, le droit à un recours effectif contre les mesures restrictives adoptées dans le contexte de la lutte contre le terrorisme est reconsidéré à la suite des arrêts Kadi I, ZZ et Kadi II. Troisièmement, ce même droit, cette fois-ci dans le contexte du dépassement du délai raisonnable, fait l’objet d’analyse en mettant l’accent sur l’arrêt récent rendu dans l’affaire Gascogne Sack Deutschland GmbH. Quatrièmement, l’article aborde la dichotomie classique entre la discrétion législative et les limites du contrôle juridictionnel à la lumière de certains des arrêts les plus parlants de ces derniers années, tels que Vodafone. Cinquièmement, il est suggéré que le principe de proportionnalité au sens de l’article 5, paragraphe 4, du traité UE pourrait être érigé en correctif des actions des institutions de l’Union, ainsi qu’il découle des arrêts récents Scheke & Eifert, Sky Osterreich et Digital Rights. Enfin, l’importance du principe de l’état de droit est mise davantage en valeur dans le cadre de la répartition des fonctions et des compétences entre les institutions de l’Union.

En ce qui concerne le respect du principe de l’état de droit par les États membres de l’Union européenne, mérite une attention tout particulière le caractère adéquat ou non de la procédure prévue à l’article 7 du traité UE, laquelle ne saurait, à toute évidence, être considéré comme un instrument efficace apte à assurer le respect du principe de l’état de droit dans les États membres, ainsi que le respect des valeurs consacrées à l’article 2 dudit traité. En parallèle, il existe encore deux instruments permettant de contrôler la compatibilité des actions des États membres avec les exigences du droit de l’Union, à savoir les articles 258-260 TFUE et 267 TFUE, lesquels ont donné lieu aux arrêts de la Cour dans les affaire Hongrie/Slovaquie, Commission/Hongrie (C-286/12) et Commission/Hongrie (C-288/12).

En raison des faiblesses structurelles tant de la procédure instituée par l’article 7 du traité UE que des procédures classiques fondées sur les articles 258-260 et 267 du traité FUE, diverses conceptions permettant de surmonter ces faiblesses ont été lancées. L’une de ces conceptions, connue sous la dénomination de «Solange inversé», préconise l’élargissement du champ d’application de la Charte des droits fondamentaux. Une autre conception se dégage dans la communication de la Commission européenne au Parlement et au Conseil – Un nouveau cadre de l’UE pour renforcer l’état de droit, laquelle propose une nouvelle règlementation susceptible de prévenir les menaces futurs à l’état de droit dans les États membres avant que les conditions pour le déclenchement de la procédure prévue à l’article 7 du traité UE soient réunies. En outre, la conception des défaillances systématiques pourrait être retracée dans la jurisprudence de la Cour, par exemple dans l’arrêt N.S., dans lequel la relation entre la confiance mutuelle parmi les États membres et l’état de droit dans ces derniers a joué un rôle déterminant. Une illustration bulgare de cette relation pourrait être retrouvée dans l’affaire pendante Diageo Brands.

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Линк към статията на български език: ПРИНЦИПЪТ НА ВЪРХОВЕНСТВОТО НА ПРАВОТО В ПРАКТИКАТА НА СЪДА НА ЕВРОПЕЙСКИЯ СЪЮЗ

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* Juge à la Cour de justice de l’Union européenne. L’article fait suite au discours présenté le 30 octobre 201 4 à l’Institut nationale de la justice sous l’égide de l’Association bulgare de droit européen et l’Institut «Open Society » à Sofia.