Arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne dans l’affaire С-285/12, Diakité
Momchil Milanov[1]
La question des relations entre le droit international et le droit de l’Union Européenne (UE) est au cœur de la problématique posée par l’arrêt C-285/12 Diakité de la CJUE. Suite à une question préjudicielle du Conseil d’Etat belge portant sur la directive 2004/83/CE sur les conditions de l’obtention du statut de réfugié, la Cour devait se pencher sur la nécessité d’appliquer une interprétation autonome de la notion de “conflit armé interne” ou de retenir le sens du concept tel qu’il existe en droit international humanitaire (DIH). La Cour s’appuie dans la plupart de son raisonnement plutôt laconique sur les conclusions de l’Avocat General Mengozzi et sur sa jurisprudence dans l’arrêt C-465/07 Elgafaji.
Selon l’AG chaque fois quand la Cour est amenée à analyser les relations entre le droit international et le droit de l’UE, elle doit appliquer le principe de l’interprétation conforme. L’AG considère que pour répondre à la question si la notion de “conflit armé interne” doit recevoir une interprétation autonome ou pas, il faut établir l’existence d’une “cohérence herméneutique” à travers une comparaison entre le sens, la portée et les fonctions de cette notion en DIH et le mécanisme de protection subsidiaire. Après une analyse détaillée des différents documents de DIH, notamment les Conventions de Geneva de 1949 et le Deuxième protocole additionnel de 1977 ou les différentes définitions, même si sémantiquement presque identiques, révèlent certaines spécificités. Chaque définition contient des critères propres (souvent liés avec l’intensité du conflit et le degré d’organisation des participants), plus ou moins strictes, pour qu’elle puisse être appliquée en cas de conflit armé interne, le seuil minimum pour l’application du droit international humanitaire étant des situations de “tensions internes” et “troubles intérieures”. Il convient de souligner aussi la relation étroite qui existe entre le DIH et le droit international pénal qui par contre, n’existe pas entre le mécanisme de protection subsidiaire et le droit international pénal.
De l’autre côté le mécanisme de protection subsidiaire constitue une première étape dans l’harmonisation de la politique européenne d’asile. Ce mécanisme a pour objectif de compléter le régime principal, il n’a pas pour but d’élargir le champ d’application mais plutôt de fournir une base juridique applicable dans certains cas où bien que les conditions formelles pour l’application du régime principale ne soient unies, néanmoins le besoin d’une protection s’impose.
Après cette analyse comparative l’AG conclut que la définition du “conflit armé interne” en DIH a des fonctions spécifiques propres à ce domaine du droit international ce qui mène à la conclusion qu’aucune “cohérence herméneutique” ne peut pas être établie. Par conséquent la Cour doit interpréter la notion de “conflit arme interne” de manière autonome.
Selon l’AG le critère principal qui doit guider les autorités nationales compétentes dans l’examen d’une demande de protection subsidiaire c’est le besoin de protection du demandeur. L’AG défend une approche d’examen au cas par cas sans critères prédéterminés qui permettrait la prise en compte des particularités de chaque situation. Toute situation dans laquelle a eu lieu une violence aveugle peut qualifier inclus des cas de troubles intérieures et des tensions internes tant qu’un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 15 en cas de rapatriement. L’existence de menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne du demandeur de la protection subsidiaire doit être appréciée en fonction du degré de violence aveugle qui caractérise la situation dans le pays en question au moment de statuer sur la demande de protection subsidiaire.
L’arrêt de la Cour reprend dans la grande partie les conclusions de l’AG. Sans entrer dans des détails, la Cour tacitement confirme son raisonnement et prend la position que pour les objectifs de la directive le sens du concept de “conflit armé interne” doit être distingué par rapport à la même notion en droit international humanitaire. La mise en œuvre de la protection subsidiaire ne dépend pas du constat si les critères du DIH sont remplis.
Pour déterminer la signification et de la portée de la notion de conflit armé interne la Cour s’appuie sur sa jurisprudence pour parvenir au constat que cette notion vise une situation dans laquelle les forces régulières d’un État affrontent un ou plusieurs groupes armés ou dans laquelle deux ou plusieurs groupes armés s’affrontent.
Quant à la réponse de la deuxième partie de la question préjudicielle la Cour confirme les conclusions de l’arrêt Elgafaji pour affirmer que “l’existence d’un conflit armé interne ne pourra conduire à l’octroi de la protection subsidiaire que dans la mesure où les affrontements seront exceptionnellement considérés comme créant des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne du demandeur de la protection subsidiaire, au sens de l’article 15, sous c), de la directive”. Le degré de violence aveugle qui caractérise ces affrontements doit atteindre un niveau si élevé qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’un civil renvoyé dans le pays concerné ou, le cas échéant, dans la région concernée courrait, du seul fait de sa présence sur le territoire de ceux-ci, un risque réel de subir lesdites menaces. Ainsi la Cour confirme le caractère exceptionnel du régime de protection subsidiaire.
Le cas d’espèce représente une déclaration d’Independence au moins pour deux raisons. D’abord concernant la nature et les conditions d’application du régime de protection subsidiaire et en deuxième place, du rôle de la Cour quant à la portée de ses dispositions. Ce mécanisme peut être qualifié à juste titre comme un œuvre jurisprudentiel qui a deux objectifs. De l’un côté, il sert en tant qu’un instrument d’harmonisation et de l’autre il fournit un niveau de protection plus élevé capable à prendre en compte des situations qui nécessitent réellement une réaction de la part des autorités compétentes sans les conditions nécessaires du DIH soient remplies. Il faut noter l’approche de la Cour et sa volonté d’assurer à la fois la flexibilité de l’application du régime sans oublier qu’il s’agit des situations exceptionnelles plutôt qu’une extension excessive et injustifiée d’un régime subsidiaire.
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[1] Stagiaire au Service Juridique de la Commission européenne. Master en relations internationales et diplomatiques de l’UE, Collège d’Europe, Bruges (2013) et Master en droit international, Université de Strasbourg (2011). Les opinions exprimées par l’auteur sont personnelles et ne lient en aucune manière la Commission européenne ni une autre institution.
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