Est-il (encore) légitime d’évoquer l’existence d’une « tache dans le paysage du droit communautaire que constitue la jurisprudence sur la recevabilité » ?
Athanase POPOV[1]
Dans l’ordonnance Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (ordonnance du 6 septembre 2011, T-18/10, non encore publiée au Recueil, rendue en chambre élargie), actuellement sous pourvoi devant la Cour de justice, le Tribunal de l’Union européenne a interprété la notion d’«acte réglementaire» au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, conformément à l’esprit du traité de Lisbonne, tout en restant dans la lignée de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne sur la qualité pour agir des requérants ordinaires. La formulation de l’article 263 TFUE ne permet en effet pas de supprimer la condition de l’affectation individuelle pour l’ensemble des actes attaqués, mais seulement pour les actes non législatifs, le critère de distinction retenu étant de nature procédurale. Le maintien de la logique d’ensemble du système des voies de recours antérieur tend à ce que l’on continue à pallier l’impossibilité, pour les requérants ordinaires, de former un recours en annulation contre les actes législatifs à défaut d’affectation directe et individuelle par la possibilité pour les parties de faire en sorte que le juge national saisisse la Cour de justice d’une question préjudicielle en appréciation de validité. La complémentarité entre ces deux voies de recours est maintenue malgré l’assouplissement partiel des conditions relatives à la qualité pour agir des requérants ordinaires. L’article démontre que ladite impossibilité, pour les requérants ordinaires, de former un recours en annulation contre les actes législatifs à défaut d’affectation directe et individuelle, est notamment conforme aux traditions juridiques française et bulgare.
Au terme d’une analyse de l’arrêt Unibet, ainsi que de la doctrine relative à cet arrêt, l’auteur parvient à la conclusion que la systématique des voies de recours du droit de l’Union permet de garantir une protection juridictionnelle effective. En effet, l’auteur rejoint M. Koen Lenearts, qui part de la constatation que les compétences juridictionnelles de la Cour ne sauraient aller au-delà de celles qui lui sont expressément confiées par les traités. En revanche, la Cour pourrait être amenée à formuler une obligation de prévoir une voie de recours appropriée de sorte que les juridictions nationales puissent saisir la Cour de demandes de décisions préjudicielles en appréciation de validité d’actes de l’Union, en se fondant sur les articles 19 TUE (« Les États membres établissent les voies de recours nécessaires pour assure une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union ») et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Selon l’auteur, cette voie de recours appropriée ne pourrait être qu’un recours par voie d’action et non pas par voie d’exception, à l’instar des recours déclaratoires qui existent en droit anglais. En effet, les droits issus de la common law autorisent les actions déclaratoires contre des actes potentiels des autorités publiques, en l’absence d’acte administratif pris par les autorités publiques en application d’un acte législatif de l’UE. Ainsi, en droit anglais, la jurisprudence Dyson autorise, depuis le début du vingtième siècle, les décisions de justice purement déclaratoires, même en l’absence de base légale permettant de fonder une action en justice autonome et, partant, en l’absence de toute possibilité d’ordonner une réparation effective. Par conséquent, en droit anglais et dans tous les droits nationaux qui permettent de parvenir à un résultat similaire, le requérant n’est pas contraint de s’exposer à des procédures administratives ou pénales à son encontre et aux sanctions qui peuvent en découler, comme seule voie de droit pour contester la conformité des dispositions nationales en cause avec le droit de l’Union, ce qui ne serait pas suffisant pour assurer une protection juridictionnelle effective.
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[1]Juriste linguiste à la Cour de justice de l’Union européenne.