LA COMPETENCE TERRITORIALE DES TRIBUNAUX NATIONAUX CONTRE LE RESPECT DES DROITS SUBJECTIFS DECOULANT DU DROIT DE L’UNION

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(Arrêt de la Cour de justice de l’UE dans l’affaire C-93/12, Agrokonsulting)

Aglika Adamova[1]

 

L’article est consacré à l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire C-93/12, Agrokonsulting. Cette affaire concerne l’interprétation des principes d’équivalence et d’effectivité ainsi que de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

La demande de décision préjudicielle a été présentée dans le cadre d’un litige opposant ET Agrokonsulting-04-Velko Stoyanov à l’Izpalnitelen direktor na Darzhaven fond «Zemedelie» – Razplashtatelna agentsia (directeur exécutif du fonds national «agriculture» – organisme payeur,) au sujet d’une demande d’aide en vue d’un financement au titre de la politique agricole commune de l’Union européenne. Le Direktor a rejeté la demande d’Agrokonsulting au motif que les surfaces déclarées par cette dernière n’étaient pas conformes aux exigences du règlement (CE) n° 1122/2009 de la Commission, du 30 novembre 2009.

Agrokonsulting a introduit un recours à l’encontre de cette décision devant l’Administrativen sad – Burgas. Celui-ci a soulevé l’existence d’un conflit de compétence, sursis à statuer et renvoyé l’affaire devant Administrativen sad – Sofia grad (la juridiction de renvoi) afin que celle-ci statue sur sa compétence. Selon les motifs de cette ordonnance, conformément à l’article 133, paragraphe 1, de l’APK (Code de la procédure administrative), le litige relève du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le siège du Direktor, soit l’Administrativen sad Sofia-grad. Estimant que l’affaire au principal ne relève pas de sa compétence et qu’il y a lieu de soumettre éventuellement le conflit de compétence au Varhoven administrativen sad (Cour suprême administrative), conformément à l’article 135, paragraphe 3, de l’APK, la juridiction de renvoi a saisi la Cour de justice de l’UE d’une demande de décision préjudicielle. Par ses questions la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union, en particulier les principes d’équivalence et d’effectivité ainsi que l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une règle de compétence juridictionnelle nationale, telle que celle énoncée à l’article 133, paragraphe 1, de l’APK, ayant pour conséquence de confier à une seule juridiction l’ensemble du contentieux relatif aux décisions d’une autorité nationale chargée du versement d’aides agricoles au titre de l’application de la politique agricole commune.

La Cour suit sa jurisprudence constante, selon laquelle le respect duprincipe d’équivalence suppose que la règle nationale en cause s’applique indifféremment aux recours fondés sur des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union et à ceux fondés sur la méconnaissance du droit interne ayant un objet et une cause semblables. Il appartient au juge national, qui a une connaissance directe des modalités procédurales applicables, de vérifier la similitude des recours concernés sous l’angle de leur objet, de leur cause et de leurs éléments essentiels. La juridiction de renvoi doit ainsi vérifier si la même règle s’applique aux recours prévus pour la protection des droits tirés d’éventuels régimes d’aides en faveur des agriculteurs établis par le droit interne pouvant être considérés comme étant similaires à ceux destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union. Si tel est le cas, il ne saurait être conclu à une méconnaissance du principe d’équivalence découlant des modalités procédurales concernant des recours relatifs aux paiements directs nationaux complémentaires.

En ce qui concerne le principe d’effectivité, la Cour rappelle que la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés aux particuliers par l’ordre juridique de l’Union doit être appréciée en tenant compte des principes étant à la base du système juridictionnel national concerné, tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure. La Cour estime qu’il existe des considérations liées en particulier au bon déroulement de la procédure qui militent en faveur d’une conclusion selon laquelle l’application d’une règle de compétence juridictionnelle nationale, telle que celle énoncée à l’article 133, paragraphe 1, de l’APK, ayant pour conséquence de concentrer le contentieux relatif aux décisions d’une autorité nationale chargée du versement d’aides agricoles au titre de l’application de la politique agricole commune devant une seule juridiction, ne méconnaît pas le principe d’effectivité. Il appartient cependant à la juridiction de renvoi, qui est compétente pour apprécier les faits du litige au principal et pour intepréter le droit bulgare, de vérifier si tel est le cas dans ce litige.

Au vu de tout ce qui précède, la Cour parvient à la conclusion que le droit de l’Union, en particulier les principes d’équivalence et d’effectivité ainsi que l’article 47 de la Charte, ne s’oppose pas à une règle de compétence juridictionnelle nationale, telle que celle énoncée à l’article 133, paragraphe 1, de l’APK, ayant pour conséquence de confier à une seule juridiction l’ensemble du contentieux relatif aux décisions d’une autorité nationale chargée du versement d’aides agricoles au titre de l’application de la politique agricole commune de l’Union, pour autant que les recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union ne soient pas exercés dans des conditions moins favorables que celles prévues pour les recours destinés à protéger les droits tirés d’éventuels régimes d’aides en faveur des agriculteurs établis par le droit interne, et qu’une telle règle de compétence ne cause pas aux justiciables des inconvénients procéduraux, en termes, notamment, de durée de procédure, de nature à rendre excessivement difficile l’exercice des droits tirés du droit de l’Union, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 

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[1] Juge à la Cour administrative de la ville de Sofia. Les opinions exprimées n’engagent pas ladite cour.

 

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