Antonio Tizzano[2]
- Tout peut être dit au regard de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux (ci-après : la « Charte ») sauf qu’il constitue un sujet de discussion nouveau ou inexploré. Bien au contraire, cet article, parmi tous ceux dont la Charte se compose, est celui qui a alimenté le plus grand nombre d’analyses et de débats dans la doctrine et donné lieu à des dizaines d’arrêts de la Cour de justice et des juridictions des États membres. Ainsi, l’article 51, paragraphe 1, a été éviscérée dans tous ses détails et on en a analysé le libellé, la pratique d’application – tant européenne que nationale –, la portée et les implications.
Il est vrai que, malgré ces efforts, toutes les questions soulevées par cette disposition n’ont pas été résolues. Je dirais plutôt le contraire ! Cependant, il me semble que proposer encore une fois l’examen de ces questions risquerait d’être un exercice de caractère quasi notarial, ou, en tout cas, de tomber dans la répétition d’analyses désormais bien connues. Pour conjurer un tel risque, je voudrais, dans cette intervention, m’interroger plutôt sur les raisons d’un intérêt aussi aigu et essayer d’explorer les implications plus profondes de la disposition en cause, les deux aspects se liant intimement, comme on le verra, l’un à l’autre.
Certes, on pourrait justifier cet intérêt par maintes raisons, y inclus les difficultés herméneutiques que la disposition soulève. Cependant, je crois que, en réalité, la plus importante de ces raisons a trait au fait que, consciemment ou pas, on ressent qu’aucune autre disposition de la Charte n’exprime de manière aussi explicite le sens et la portée du processus d’intégration européenne et l’impact de ce processus – un processus profonde, étendu et dynamique – dans un environnement constellé de chartes et de cours, tant européennes que constitutionnelles.
L’article 51 se trouve précisément au carrefour de ces systèmes complexes; en tout cas, il en reflète la difficile problématique. Je tâcherai de m’expliquer à cet égard, bien que de manière très succincte et schématique, vu le temps qui m’a été imparti.
- Je commence par rappeler, tout d’abord, les résultats qui peuvent déjà être considérés comme acquis dans l’analyse de l’article 51.
Comme on le sait, avec le Traité de Lisbonne, la Charte est passée de paramètre de référence, comme elle l’a été depuis son approbation en décembre 2000, à paramètre de légalité. Non seulement elle a acquis une valeur juridique contraignante, mais cette valeur est la même que celle des traités et est, donc, de rang primaire. D’une certaine manière, et dans la mesure où elle exprime les principes fondamentaux de l’Union, elle pourrait peut-être se placer même à un niveau supérieur au traités eux-mêmes.
Dans ce contexte, l’article 51 de la Charte a pour but de délimiter le champ d’application de celle-ci et par conséquent, en rappelant l’altérité de l’ordre juridique de l’Union par rapport à ceux des États membres, de marquer la frontière entre ces ordres juridiques.
En même temps, la Charte n’est pas faite pour bouleverser le principe d’attribution des compétences, et encore moins la structure constitutionnelle de l’Union. Le principe selon lequel « les dispositions de la Charte n’étendent en aucune manière les compétences de l’Union telles que définies dans les traités » a paru tellement cher aux rédacteurs du traité de Lisbonne qu’ils ont estimé nécessaire de le répéter plusieurs fois : dans les explications à la Charte, dans l’article 6 TUE, dans la Déclaration n° 1 sur la Charte, ainsi que dans le Protocole n° 30 sur l’application de la Charte à la Pologne et au Royaume Uni.
Dans ces limites, la Charte couvre tous les domaines d’application du droit de l’Union. En effet, comme la Cour l’a précisé, il convient de veiller à ce que les droits fondamentaux ne soient pas violés dans les domaines d’activités de l’Union, que ce soit en raison de l’action de l’Union ou en raison de la mise en œuvre du droit de l’Union par les États membres[3].
Cela signifie que l’applicabilité du droit de l’Union implique celle des droits fondamentaux garantis par la Charte, et que, donc, « il ne saurait exister de cas de figure qui relèvent du droit de l’Union sans que [les] droits fondamentaux [tels que reconnus par la Charte] trouvent à s’appliquer ».
En revanche, lorsqu’une situation juridique ne relève pas de ce droit, la Charte n’est pas d’application et la Cour n’est pas compétente pour l’interpréter, les dispositions éventuellement invoquées de la Charte ne pouvant, à elles seules, fonder cette compétence.
Si cela est vrai, et je crois que, à la lumière notamment de la jurisprudence désormais constante et riche de la Cour, personne ne peut en douter, il peut en être déduit que, en principe, c’est le droit de l’Union qui délimite le champ d’application de la Charte et non pas le contraire.
III. Je reviendrai dans un instant sur ce point. Pour le moment il convient de souligner que la connexion que je viens d’indiquer entre l’application du droit de l’Union et celle de la Charte est mise en exergue précisément par l’article 51, paragraphe 1, de celle-ci, selon lequel les dispositions de la Charte « s’adressent aux institutions, organes et organismes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union ».
L’attribution d’une valeur contraignante à la Charte implique, premièrement, que celle-ci lie juridiquement les institutions, organes et organismes de l’Union. La violation de dispositions de la Charte peut dès lors entraîner l’annulation de leurs actes. Bien entendu, cela vaut uniquement lorsque l’Union, en vertu des principes d’attribution des compétences et de subsidiarité, est compétente pour agir. Il ne sera jamais assez répété que, lorsqu’elle ne l’est pas en vertu des traités, l’Union ne peut pas le devenir en application de la seule Charte.
En ce qui concerne, deuxièmement, les États membres, l’obligation de respecter les droits fondamentaux définis dans la Charte ne leurs s’impose que lorsqu’ils agissent dans le champ d’application du droit de l’Union, ou, comme il résulte du libellé de l’article 51, « uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre » ce droit.
Mais quelle est la portée réelle des délimitations du champ d’application de la Charte ? Quand est-ce que les États membres « uniquement mettent en œuvre le droit de l’Union » ?
Comme tout le monde le sait, l’interprétation de cette formule est loin d’être évidente. Au contraire, elle a nourri des débats assez larges et animés dans la doctrine, ainsi que des difficultés dans la pratique judiciaire. Mais, je le répète, il ne me parait pas nécessaire de m’attarder ici sur cette question. Je me borne plutôt à rappeler qu’une première difficulté d’interprétation résidé déjà dans la diversité des versions linguistiques de l’article 51. En effet, tandis que certaines versions se réfèrent à la « mise en œuvre », la notion d’« application » est utilisée dans d’autres.
D’autre part, le libellé de l’article 51 pourrait se prêter à une interprétation restrictive du fait de l’utilisation de l’adverbe « uniquement », ce qui serait difficilement conciliable avec la genèse de cette disposition qui militerait, en revanche, pour une interprétation extensive.
Quant à la pratique jurisprudentielle, la Cour s’est strictement tenue à son rôle. En particulier, elle a évité de se livrer à des définitions de caractère général et définitif. Et cela, même à vouloir admettre qu’une véritable ligne de démarcation de la sphère d’application de la Charte puisse être tracée dans de tels termes. Je crois plutôt qu’une telle ligne ne puisse ressortir que d’un travail casuistique et reste, en tout état de cause, difficile à figer dans une formule simple, soit elle doctrinale et/ou jurisprudentielle.
Plus spécifiquement, il me semble que la Cour a bien gardé à l’esprit que les modalités et les hypothèses de « mise en œuvre » du droit de l’Union dans les États membres sont très différentes et hétérogènes. Ainsi, plutôt que définir en général les circonstances dans lesquelles il peut être considéré que l’on est en présence d’une « mise en œuvre du droit de l’Union », elle a procédé à une vérification in concreto de la question de savoir si une réglementation nationale « se situe dans le cadre » du droit de l’Union ou « se rattache » à celui-ci.
Dans cette optique, plusieurs formules ont été utilisées dans les nombreuses décisions prononcées à cet égard.
Parfois on fait référence à l’existence d’un « lien de rattachement d’un certain degré », dépassant le voisinage des matières visées ou les incidences indirectes de l’une des matières sur l’autre[4]. Ainsi, pour déterminer si une réglementation nationale relève de la mise en œuvre du droit de l’Union au sens de l’article 51 de la Charte, il y a lieu de vérifier, parmi d’autres éléments, si elle a pour but de mettre en œuvre une disposition du droit de l’Union, le caractère de cette réglementation et si celle-ci ne poursuit pas des objectifs autres que ceux couverts par le droit de l’Union, même si elle est susceptible d’affecter indirectement ce dernier, ainsi que s’il existe une réglementation du droit de l’Union spécifique en la matière ou susceptible de l’affecter[5].
Dans d’autres cas, et plus fréquemment, la Cour parle des situations qui « relève[nt] du droit de l’Union »[6], qui sont « régies »[7] ou « déterminée »[8] par le droit de l’Union ou bien qui « s’inscrivent dans un cadre » du droit de l’Union[9].
Mais il ne me paraît pas utile de continuer dans la citation de ces formules. Cela d’autant plus que, comme je l’ai déjà souligné, il est difficile, au-delà de certains critères généraux ou génériques, de déduire de cette jurisprudence une définition précise de la notion de « mise en œuvre » du droit de l’Union.
Ce qui, en revanche, me parait, à titre tout à fait personnel, pouvoir être déduit, est que la Cour a été très prudente, parfois même stricte, à cet égard. Et cela malgré que, vu la nature de la matière en cause et les sollicitations venant des juridictions nationales elles-mêmes, on aurait pu s’attendre à une toute autre orientation.
En effet, si on considère seulement la jurisprudence qui a suivi le prononcé de l’arrêt Åkerberg Fransson, bien connu, on verra que dans la plupart des dizaines d’affaires qui lui ont été soumises quant à l’applicabilité de la Charte, la Cour a donné, en général par voie d’ordonnance, une réponse négative. Elle s’est considérée en effet manifestement incompétente, étant donné qu’aucun élément concret de l’affaire permettait de considérer que la mesure contestée constituait un cas de « mise en œuvre du droit de l’Union » ou, encore mieux, que cette mesure présentait des éléments de rattachement à ce dernier.
- Or, je crois que pour comprendre les raisons de cette orientation, il convient de remonter aux observations initiales sur lesquelles je m’étais réservé de revenir.
Tout d’abord, il est évident que si, comme la Cour elle-même l’a souligné, l’applicabilité du droit de l’Union entraîne l’applicabilité des droits fondamentaux garantis par la Charte, élargir la portée de celle-ci signifie élargir également la portée du droit de l’Union et par conséquent des compétences de l’Union.
Par la prudence dont elle a fait preuve, la Cour a dès lors souhaité, tout d’abord, assurer le respect d’un principe sanctionné de manière très rigoureuse, comme on l’a vu, par tous les textes pertinents. Mais, à mon avis, il y a également d’autres raisons, à la fois plus spécifiques et plus profondes, qui justifient la prudence de la Cour dans la délimitation du champ d’application de la Charte.
Je crois, en effet, que la Cour est parfaitement consciente de la circonstance que d’importantes exigences de caractère systémique sont subjacentes à cette problématique. Ces exigences se lient au fait que l’élargissement du champ d’application de la Charte implique nécessairement une limitation du domaine d’action d’autres juridictions, potentiellement compétentes en matière de droits fondamentaux, telles que la Cour de Strasbourg, ainsi que, et surtout, les Cours constitutionnelles des États membres.
Or, comme tout le monde le sait, dans sa jurisprudence, la Cour a toujours essayé de respecter les prérogatives ou, en tout cas, les marges d’appréciation de ces Cours, et cela même dans le cas où la Charte a été considérée d’application (voir, à cet égard, notamment les arrêts Melloni e Åkerberg Fransson).
Elle s’efforce donc de ne pas empiéter sur les compétences propres de ces Cours, de même qu’elle s’attend, évidemment, à ce que celles-ci respectent les siennes. Mais il est clair que, dans une situation d’une telle incertitude comme celle que je viens d’évoquer, aucun effort ne peut éviter les risques d’interférences entre les compétences des juridictions en cause. Cela d’autant plus que le processus d’intégration européen est par sa nature un processus dynamique, et que les frontières du droit de l’Union sont par conséquent assez mobiles en fonction de l’évolution de ce processus.
Imaginer que l’on puisse résoudre le problème de la délimitation du champ d’application de la Charte ainsi que celui, intimement lié, des compétences respectives des juridictions européennes et nationales, en figeant la frontière dans des formules rigides et mécaniques est, comme je l’ai déjà souligné, très difficile, voire illusoire.
Je n’ai pas le temps pour développer cette problématique. Je me borne à observer, de manière malheureusement apodictique, que face aux risques desdites interférences et des incertitudes qui en découlent, on ne peut que s’appuyer sur un travail jurisprudentiel progressif, et notamment sur la coopération de toutes les juridictions concernées, en tenant compte que les problèmes à résoudre sont très complexes.
Et la complexité de ces problèmes réside dans la question de savoir non seulement « qui » est compétent pour se prononcer sur l’existence et la portée d’un droit fondamental, mais également « comment » se prononcer à cet égard.
Il est vrai, en effet, que, comme le déclare l’article 2 TUE, l’Union est fondée sur des valeurs communes aux États membres. Mais cela ne suffit pas pour éliminer les différences qui, même sur des points essentiels, subsistent à cet égard parmi les Etats membres (je me borne à citer l’exemple des États pour lesquels la « religion » de l’État est la laïcité, et ceux dans lesquels en revanche les valeurs religieuses continuent à jouer, d’une manière ou l’autre, un rôle important).
Or, comme aucun système et aucune Cour ne peut se considérer par définition dépositaire des « meilleures valeurs », tout effort doit être déployé pour essayer de dégager une définition consensuelle des valeurs communes, de même que pour concilier d’éventuelles divergences entre valeurs différentes, mais qui sont en principe susceptibles, au même titre, d’être protégées.
Cela, à mon avis, ne peut se faire que dans une dynamique de coordination et de complémentarité entre les différentes juridictions, à l’intérieur d’un système potentiellement intégré de protection des droits fondamentaux, qui vise à rechercher les solutions les plus aptes dans le cadre d’une sorte de protection « circulaire » dans laquelle les rapports entre ces juridictions devraient s’organiser sur une base interactive, plutôt que hiérarchique.
Par ailleurs, poussent également dans cette direction d’autres considérations qui ne me semblent pas susciter l’attention qu’elles mériteraient. Tout d’abord, il convient de souligner que dans la matière en examen les divergences possibles se réfèrent à la définition d’un droit fondamental et à la qualité de sa protection, et donc à un problème de clarification du contenu et de la portée des valeurs protégées.
Or, la portée réelle de ces valeurs et leur éventuelle incompatibilité ne ressortent pas toujours clairement des textes. En effet, tous les textes qui les énoncent ont un contenu très général et parfois même une formulation assez générique. En plus, leur libellé n’est pas gravé dans le marbre, si bien que leur réelle portée reste tributaire des changements et des évolutions du système (non seulement juridique) auquel elles se réfèrent. Comme il a été observé, en somme, elles peuvent être comparées à une partition dont la plus part des notes peut être jouée, surtout au fil du temps, dans des tons divers et produire plusieurs harmonies musicales.
Ce sera donc en définitive la pratique, notamment judiciaire, qui permettra de préciser concrètement les droits et les valeurs protégés, avec le résultat que les textes risquent de compter moins pour ce qu’ils énoncent que par la manière dont les juridictions compétentes les mettent en œuvre, en leur offrant une signification et une portée qui évoluent et se renforcent dans le temps. On pourrait même dire que, dans un certain sens et sans vouloir être iconoclastes, ce sont plutôt… les Cours que les Chartes qui comptent.
Or, l’existence de larges marges d’appréciation pour les juridictions intéressées dans la définition des droits et des valeurs en question devrait justement aider à résoudre d’éventuelles difficultés,
Chacune de ces juridictions pouvant rester « à l’écoute » des autres et opérer, le cas échéant, les adaptations et la mise en balance appropriées pour parvenir à une solution partagée.
Tout cela confirme qu’un rapport de coopération peut utilement se développer entre les juridictions en cause, avec des avantages importants pour l’ensemble d’entre elles. Ce qui me parait par ailleurs cohérent avec la logique d’un système qui, par le fait même d’être articulé autour d’une pluralité de juridictions, ne peut que s’inspirer d’une dynamique de collaboration entre ces juridictions. Il est en effet assez difficile d’imaginer sérieusement que la création d’un tel système puisse être tout simplement le fruit du hasard ou d’une distraction et non pas la conséquence d’un choix sciemment opéré.
Mais si tel est le cas, il peut en être déduit qu’en décidant de la sorte on a voulu poursuivre des objectifs bien précis. Et ces objectifs sont, me parait-il, ceux d’enrichir la protection des droits fondamentaux à plusieurs niveaux et de se prévaloir à ces fins des apports des différentes instances judiciaires et des systèmes juridiques en cause. Cela précisément par le biais d’un « réseau » juridictionnel européen qui encourage une participation plus large, plus active et plus attentive aux questions européennes de la part des différentes juridictions, de même que des confrontations et des réflexions communes sur les problèmes, au fond assez similaires, qu’elles rencontrent.
Tout le système stimule donc l’interprète vers la recherche de points de convergence entre les différentes instances juridictionnelles pour assurer l’harmonie et les équilibres des relations réciproques, sans aucune prétention de monopole ou de priorités hiérarchiques. Ce qui implique pour ces juridictions une impulsion, voire un véritable devoir d’ouverture et de « collaboration loyale », en vue d’opérer en conformité avec la rationalité et la cohérence dudit système.
Dans cette perspective, il y a même lieu de se demander si la tendance, assez répandue, à mettre l’accent sur les risques que comporterait la pluralité des instances judiciaires compétentes en matière de droits fondamentaux n’a pas fait passer au second plan les opportunités que cette situation présente. En particulier, ne faut-il pas plutôt se demander si, comme je viens de le remarquer, ladite pluralité permet, dans un système aussi diversifié de traditions et de sensibilités que celui européen, d’enrichir le débat sur les valeurs constitutionnelles du continent et d’en améliorer la protection ?
Il me parait, en effet, que cette sorte de « réseau » judiciaire se prête à garantir une justice constitutionnelle européenne plus ample et plus étoffée, et par là le développement d’un corpus de droits et de principes partagés au sein du continent par toutes les institutions et à tous les niveaux. Un corpus, comme il a été bien souligné, enrichi par les apports réciproques des systèmes concernés et susceptible d’alimenter ce « patrimoine constitutionnel européen », appelé à former le cadre et le creuset de l’identité européenne.
Il est donc essentiel que toutes les Cours en cause, conscientes de leur rôle incontournable dans cette matière, développent leurs rapports sur des bases positives et constructives pour mieux assurer la protection des droits fondamentaux au sein de l’Union. Plus encore, je suis convaincu que, sur ce terrain, elles sont même, pour ainsi dire, « condamnées » à s’entendre et à coopérer afin d’atteindre les objectifs que je viens d’indiquer. Et c’est dans cette optique, je crois, que tant la Cour que les juridictions nationales doivent se placer lorsqu’elles sont amenées à interpréter et analyser l’article 51, paragraphe 1, de la Charte.
ABSTRACT
This article tackles the issue of the scope of application of the Charter of Fundamental Rights, especially in the light of the case-law of the European Court of Justice (ECJ). The Author considers in particular the systemic implications of that issue and its effects on the relationship between the ECJ and other European and national courts.
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[1] Texte révisé de l’allocution prononcée à l’occasion de la visite d’une délégation de la Cour de justice de l’Union européenne à la Cour constitutionnelle de la République de Pologne (Varsovie 10 avril 2014).
[2] Juge à la Cour de justice de l’Union européenne, président de la première chambre.
[3] Selon la Cour, « la poursuite de cet objectif est motivée par la nécessité d’éviter qu’une protection des droits fondamentaux susceptible de varier selon le droit national concerné porte atteinte à l’unité, à la primauté et à l’effectivité du droit de l’Union » : arrêt du 6 mars 2014, Siragusa, C-206/13, non encore publié au Recueil, point 32, qui fait également référence aux arrêts du 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, aff. 11/70, Rec. 1970, p. 1125, point 3, et du 26 février 2013, Melloni, C-399/11, non encore publié au Recueil, point 60.
[4] Voir, en ce sens, arrêt du 29 mai 1997, Kremzow, C-299/95, Rec. p. I-2629, point 16, mais aussi les arrêts Wachauf, précité, point 19; du 11 juillet 2002, C-60/00, Carpenter, Rec. p. I-06279.
[5] Voir arrêts du 18 décembre 1997, Annibaldi, C-309/96, Rec. p. I 7493, points 21 à 23; du 8 novembre 2012, Iida, C-40/11, non encore publié au Recueil, point 79, ainsi que du 8 mai 2013, Ymeraga e.a., C-87/12, non encore publié au Recueil, point 41.
[6] Arrêt du 15 novembre 2011, Dereci, C-256/11, Rec. p. I-11315, point 71.
[7] Arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson, C-617/10, non encore publié au Recueil, point 19.
[8] Arrêt Åkerberg Fransson, précité, point 29.
[9] Arrêt du 26 septembre 2014, IBV & Cie, C-195/12, non encore publié au Recueil, point 49.
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