L’ADHÉSION DE L’UNION EUROPÉENNE À LA CEDH – ENTRE L’ANALYSE JURIDIQUE SÉRIEUSE ET LE POPULISME

Author

Prof. Dr. Jasmine Popova

Prof.ass. Dr. Alexander Kornezov*

 

La saga entourant l’adhésion de l’Union européenne à la CEDH risque de se transformer en un labyrinthe dont la sortie est devenue illusoire. Les raisons en sont nombreuses mais la principale se trouve vraisemblablement dans le décalage radical entre, d’une part, le populisme politique et juridique qui s’efforce à représenter l’adhésion comme une émanation sans conteste de la sauvegarde supranationale des droits de l’homme dans l’espace paneuropéenne, et, d’autre part, l’analyse juridique sérieuse des conséquences concrètes de cette adhésion pour l’ordre juridique de l’Union.

S’il est certes vrai que la question de savoir si l’Union européenne devait adhérer à la CEDH n’est plus à l’ordre de jour, étant donné que le traité de Lisbonne y a donné une réponse affirmative, il n’en reste pas moins que ce même traité prévoit une série de conditions auxquelles l’adhésion doit satisfaire. En d’autres termes, bien que l’Union européenne se soit obligée à adhérer à la CEDH, cette obligation n’est pas inconditionnelle.

Après un bref rappel historique des antécédents du processus d’adhésion, l’article examine les conditions auxquelles cette adhésion doit répondre ainsi que les obstacles juridiques devant ladite adhésion, tel qu’identifiés par la Cour de justice dans son avis 2/13.

En premier lieu, il convient d’examiner la question de savoir si l’adhésion, telle que prévue, porte atteinte aux caractéristiques spécifiques et à l’autonomie du droit de l’Union. À cet égard, il y a lieu de mettre en exergue la nécessité de prévoir des règles expresses dans l’accord d’adhésion régissant (1) la relation entre l’article 53 de la Charte et l’article 53 de la CEDH; (2) la non-violabilité du principe de la confiance mutuelle entre les États membres de l’Union européenne; et (3) le non-contournement du renvoi préjudiciel par le biais de la procédure prévue au Protocol n° 16 à la CEDH.

En deuxième lieu, il convient de se pencher sur les raisons pour lesquelles l’adhésion de l’UE à la CEDH est susceptible d’affecter la compétence exclusive de la Cour de justice pour se prononcer, au titre de l’article 344 TFUE, sur les litiges entre les États membres relevant du champ d’application des traités. À cet égard, force est de relever que l’accord d’adhésion doit régler de façon claire et non ambigüe la relation entre, d’une part, l’article 344 TFUE, et, d’autre part, les articles 33 et 55 de la CEDH, ces derniers prévoyant, pour leur part, la compétence exclusive de la Cour EDH en ce qui concerne les litiges entres les États signataires de la Convention.

En troisième lieu, afin de conserver le caractère autonome du droit de l’Union, il est nécessaire d’exclure toute possibilité pour la Cour EDH de se prononcer sur la répartition des compétences entre l’Union et les États membres dans les cas où tant l’Union qu’un ou plusieurs États membres seront appelés à apparaître comme défendeurs devant la Cour EDH. À cet égard, l’article s’attarde sur la question de savoir si le soi-disant mécanisme du codéfendeur prévu dans l’accord d’adhésion répond véritablement aux exigences du traité.

En quatrième lieu, mérite une attention toute particulière la proposition de créer une procédure spécifique nouvelle, à savoir la procédure d’implication préalable de la Cour de justice, laquelle tend à garantir, d’une part, la compétence exclusive de cette dernière pour interpréter et annuler les actes de l’Union, et, d’autre part, le respect du principe de subsidiarité consacré à l’article 35, paragraphe 2, de la CEDH, dans le contexte spécifique de l’Union européenne.

En cinquième lieu, il convient d’examiner les conséquences de l’adhésion sur les limites du contrôle juridictionnel de la Cour de justice en matière de la politique étrangère et de sécurité commune. Se pose alors la question de savoir si l’adhésion aurait pour résultat de confier l’exercice d’un tel contrôle juridictionnel uniquement et exclusivement à une instance judiciaire extérieure à l’UE, telle que la Cour EDH.

En tout état de cause, il fait peu de doutes que, à la suite de l’avis négatif de la Cour de justice, la seule solution possible réside dans le renouvellement du processus de négociation et dans mise en conformité consécutive de l’accord envisagé avec les exigences découlant de cet avis. S’il est certes vrais que certains aspects problématiques peuvent être surmontés par le truchement d’une rédaction plus précise des clauses de l’accord, il n’en reste pas moins qu’une partie des problèmes identifiés requièrent une analyse approfondie ainsi que, très probablement, des modifications substantielles. Il ne saurait être exclu que l’adhésion ne soit possible qu’après la modification des traités, voire la Convention elle-même. Une telle éventualité compliquerait considérablement le processus d’adhésion et vraisemblablement le ralentirait. Bien évidemment, de telles modifications demeurent conditionnées par la volonté politique de la part des deux côtés de la table de négociation. L’avenir montrera si une telle volonté est bien présente.

***

Линк към статията на български език: ПРИСЪЕДИНЯВАНЕТО НА ЕС КЪМ ЕКПЧ – МЕЖДУ ТРЕЗВИЯ ПРАВЕН АНАЛИЗ И ПОПУЛИЗМА

***

* Изразените мнения са лично на автора и не ангажират по никакъв начин институцията, в която работи.